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ville, n’en était pas moins puissant, et bien des yeux restaient fixés sur lui. Son sort pourtant ne laissait pas d’intimider les archimandrites, jadis ses amis ; beaucoup fléchirent sous les injonctions d’Anatolius, mais plusieurs aussi résistèrent, — et à leur tête trois hommes d’un caractère ferme et d’une conviction ardente, Carosius, Dorothée et un certain Maxime, que l’on prétendait avoir été le maître ou du moins l’inspirateur d’Eutychès. Dans les couvens de la ville, un grand nombre de moines, plus encore au dehors, parmi ces bandes arrivées d’Égypte, de Palestine et de Syrie, leur prêtaient un appui tantôt déclaré, tantôt occulte. Parmi ces derniers figurait l’archimandrite Barsumas avec sa milice redoutée de moines assommeurs. Tous ces gens, amoureux d’opposition et de troublés, incitaient Carosius et ses compagnons à se séparer de l’évêque et à former un schisme, qui éclata effectivement plus tard.

Avant d’en arriver à cette extrémité, les moines constantinopolitains voulurent faire une tentative auprès de l’empereur. Ils lui représentèrent dans une requête qu’en dépit de leur obéissance aux canons du concile de Nicée on cherchait à leur imposer la souscription de documens étrangers d’une orthodoxie pour le moins suspecte, et cela sous peine de se voir expulsés des couvens et autres élises, leurs résidences. Aussi demandaient-ils à l’empereur protection contre la violence et reconnaissance de leur droit d’opposition, proposant de venir discuter en sa présence, au palais même, le différend soulevé, et de s’en remettre à sa justice. Marcien leur fit répondre qu’il avait convoqué un concile précisément dans la pensée de lui soumettre ces diverses questions religieuses, si donc les requérans avaient de justes griefs à faire valoir, qu’ils s’adressassent à Chalcédoine et non pas à lui. Renvoyés ainsi au concile, Carosius et les autres signataires de la requête (on en connait dix-huit), s’étaient pourvus devant l’assemblée, et celle-ci, pour les entendre, avait fixé cette même séance du 17 octobre où les Égyptiens avaient refusé de signer la lettre de Léon.

Cependant les magistrats qui présidaient la séance, s’attendant à des débats animés vu la turbulence bien connue des pétitionnaires, avaient convoqué plusieurs chefs des monastères de Constantinople, dont la catholicité ne laissait aucun doute. Ils désiraient, avant l’appel de cette grave affaire, éclairer le concile sur l’identité et les antécédens des moines et abbés qui bientôt allaient comparaître à son mandement Les principaux archimandrites et plusieurs clercs d’un rang, élevé s’étaient rendus à l’invitation des magistrats, et on leur fit prendre place du côté des évêques, attendu leur dignité de prêtres. On lut d’abord devant eux, hors de la présence des requérans, la liste des signataires de la requête,