Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tromper et à soulever les peuples à leur profit, il est donc impossible au socialisme, même vainqueur, de mettre le pied sur la gorge du capital et de lui faire rendre plus qu’il ne donne aujourd’hui, puisque chaque année tous ses revenus réels passent au salaire. Les réclamations intéressées des sectaires tombent du même coup, il n’y a plus antagonisme nécessaire et de principe entre le capital et le travail. Les capitaux actifs et le sa]aire sont égaux, solidaires et ne font qu’un; ils constituent une seule personne économique en deux natures, que l’on peut nommer également recette ou dépense, production ou consommation. C’est là de la solidarité universelle, de la bonne, et le terrain véritable de la réconciliation sociale.

Si l’affirmation de l’égalité entre les salaires, les produits et les capitaux disponibles est acceptée, il en ressort clairement que la somme générale des salaires ne dépend de qui que ce soit, et n’est susceptible d’être augmentée ou diminuée par aucune combinaison spéciale en dehors des fluctuations qui accroissent ou diminuent la prospérité universelle du pays. Le capital mobilier tout entier étant obligé de circuler pour produire et ne pouvant produire que par la main-d’œuvre, qui ne saurait elle-même se passer de salaire, celui-ci ne s’élèvera point sans que les capitaux et les revenus s’élèvent dans une proportion égale, et réciproquement. Le capital disponible fait tout l’effort dont il est capable, on n’a rien à lui demander de plus. Ce qu’un ouvrier gagnera au-dessus de la moyenne devra diminuer d’autant le salaire d’un autre ouvrier. La rémunération de la main-d’œuvre, variable dans la répartition individuelle, ne saurait être arbitrairement accrue dans la somme générale; les violences plus ou moins légales et les spoliations officielles n’y feront rien.

La révolution a le pouvoir de tout faire, croit-on d’une foi ardente et abusée. Sans contredit, il lui est facile de tout renverser, de tout détruire, ce qui n’est pas la même chose ; mais elle aussi a des limites, et n’empêchera jamais les revenus de la richesse d’être approximativement égaux au salaire, et réciproquement. Aujourd’hui la révolution a tout vaincu, excepté la réalité. Arrivée au bout de son élan, n’ayant plus rien à réclamer, et ne trouvant plus d’autre programme que le socialisme sans raison, la révolution est vaincue par la réalité, contre laquelle elle vient se briser malgré les avertissemens des sages. En effet, les spoliations et les partages seraient sans cesse à recommencer. Toujours un clou chasse l’autre entre révolutionnaires, et le difficile est de ne faire qu’une révolution; les Anglais d’Europe et d’Amérique y ont seuls réussi. Chez nous, trop de gens pensent qu’il n’y a jamais assez de bouleversemens; le plus grand nombre est d’un avis contraire, mais