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vent passer chaque année dans la main de l’ouvrier en rémunération d’un travail ou d’un objet produit, en un mot, pour rapporter 50,000 livres de rente, chaque million doit être transformé en un million de salaires et de produits, sauf amortissemens, escomptes ou assurances.

Si les produits annuels de la France sont de 7 milliards, les revenus et les capitaux disponibles, comme les salaires, ne peuvent être que de 7 milliards, et la richesse du pays n’est que cette somme initiale multipliée par la circulation. Les opérations de l’exercice étant terminées, de 7 milliards de salaires payés ou reçus, que reste-t-il? Il reste 7 milliards de produits, dont nous vivons, tandis que, si l’on dresse le bilan des revenus dus à la circulation, toutes les recettes et les dépenses compensées, il reste le numéraire, les valeurs de portefeuille et les instrumens de production, en face desquels on périrait d’inanition et de misère sans les produits de consommation déjà indiqués.

Tout vient, dit-on, de la main-d’œuvre des travailleurs. En revanche, tout y retourne. Par une filière certaine, tout arrive à se résumer en un travail manuel et en un salaire correspondant. Ce qui comporte utilité, service ou agrément, depuis le dernier brin d’herbe jusqu’aux plus grands comme aux plus petits travaux d’art ou d’exploitation, a été touché par la main de l’ouvrier, et lui a rapporté un salaire. Quel que soit le nombre des intermédiaires, il faut nécessairement que chaque dépense de culture, de bâtiment, d’industrie, de nourriture, de vêtement, d’art ou de luxe, de paix ou de guerre, productive ou non, se résolve dans un salaire. Quelle est la part qui revient à la main-d’œuvre dans la distribution du revenu général et des capitaux circulans, et qui ne peuvent pas ne pas circuler, s’ils produisent? Eh bien ! c’est tout.

D’ailleurs, s’il est vrai que toute richesse, tout produit sorte de la main de l’ouvrier, la contre-partie n’est pas moins exacte : le salaire, la rémunération d’un travail quelconque vient du capital et du revenu. Parmi les conséquences affligeantes et inévitables des réalités économiques, au moins faut-il reconnaître ce fait consolant, que les capitaux disponibles et les revenus se trouvent dans l’impossibilité absolue de dérober une part sensible d’eux-mêmes au salaire, et qu’il est également impossible au salaire, ou plutôt à la main-d’œuvre, de ne pas mettre en valeur et de ne pas faire fructifier le capital entier. Ni l’infâme capital, ni le capitaliste ne sont responsables plus que d’autres des misères et des souffrances subies par les travailleurs. Les seuls et vrais coupables sont, outre les fléaux naturels, l’imprévoyante immoralité et les ambitions perverses. Malgré ce que peuvent dire les imposteurs qui cherchent à