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pas au lord, mais aux parens; les mariages étaient aussi plus affranchis. Aujourd’hui presque toute la terre anglaise est tenue en freehold ; les servitudes du temps passé sont abolies. La terre dite libre conserve encore un lien idéal avec le suzerain par excellence, le souverain; cependant elle n’est plus soumise qu’à l’impôt, elle ne doit plus rien à aucun suzerain intermédiaire.

A côté des terres tenues librement (freehold), il y a les terres de villenage (copyhold). Pour bien comprendre cette tenure, il faut se représenter ce qu’on nommait un manoir (manorium). Un grand baron, lord de manoir, gardait pour lui-même des terres dominicales, une sorte de domaine privé, et distribuait le reste à des vassaux, tenanciers libres; mais le domaine privé était trop grand pour que le lord fît valoir lui-même : il n’en gardait qu’une partie, livrait une deuxième partie à des vilains, enfin une troisième part, non cultivée, servait aux routes, aux pâturages du lord et des tenanciers. Les vilains, habitans des villages, tenaient leurs terres de la volonté, du bon plaisir du lord. On pouvait au début les déposséder; ils rendaient les plus bas services, ils appartenaient à la terre, et la terre ne leur appartenait pas. Leur tenure peu à peu se consolida, dépendit moins du caprice; la prescription lui donna une sorte de fixité. Chaque baron ou lord de manoir avait sa cour; la coutume de cette cour fut la sauvegarde des vilains, ils devinrent tenanciers en vertu du rôle de la cour (par copie du rôle, d’où vient copyholders). Le villenage dura jusqu’au règne du roi Jacques Ier. Les personnes devinrent libres, mais le statut de Charles II qui délivra les propriétaires libres des servitudes féodales réserva l’existence de la tenure de copyhold ; les descendans des vilains, quoique devenus propriétaires de fait, n’occupèrent les anciennes terres du maître qu’en restant soumis à la coutume particulière du manoir.

Aujourd’hui les obligations de cette basse tenure sont réduites à assez peu de chose; cependant il en reste encore quelques-unes. Le plus souvent les règles de transmission sont les mêmes que pour les terres libres, mais il y a çà et là des exceptions. Le lord du manoir conserve toujours un droit de propriété supérieur et antérieur. Ce droit par exemple s’étend aux mines, au sous-sol, aux arbres mêmes plantés par le tenancier. Celui-ci ne peut faire des baux que d’un an sans la permission du lord. Le tenancier n’a en réalité qu’un droit d’occupation fondé sur la coutume. Chaque nouveau tenancier, héritier ou acheteur, paie au lord un droit de mutation ou de succession. Chaque manoir a sa coutume en ce qui concerne les rentes, les reliefs, etc. Il y a des manoirs où le lord, à la mort du tenancier, a le droit de saisir son meilleur animal (heriot).