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nière et le cerveau, qui servent à la manifestation des phénomènes de l’innervation et de l’intelligence, n’échappent pas non plus à cette loi, ainsi que nous allons le voir.

Les relations qui existent entre les phénomènes circulatoires du cerveau et l’activité fonctionnelle de cet organe ont été longtemps obscurcies par des opinions erronées sur les conditions du sommeil, considéré à juste titre comme l’état de repos de l’organe cérébral. Les anciens croyaient que l’état de sommeil était la conséquence d’une compression opérée sur le cerveau par le sang lorsque sa circulation se ralentit. Ils supposaient que cette pression s’exerçait surtout à la partie postérieure de la tête, au point où les sinus veineux de la dure-mère viennent aboutir dans un confluent commun qu’on appelle encore torcular ou pressoir d’Hérophile, du nom de l’anatomiste qui en donna la première description. Ces explications hypothétiques se sont transmises jusqu’à nous ; ce n’est que dans ces dernières années que l’expérimentation est venue en démontrer la fausseté. On a prouvé en effet par des expériences directes que pendant le sommeil le cerveau, au lieu d’être congestionné, est au contraire pâle et exsangue, tandis que pendant la veille la circulation, devenue plus active, provoque un afflux de sang qui est en raison de l’intensité des fonctions cérébrales. Sous ce rapport, le sommeil naturel et le sommeil anesthésique du chloroforme se ressemblent ; dans les deux cas, le cerveau, plongé dans le repos ou l’inaction, présente la même pâleur et la même anémie relative.

Voici comment se fait l’expérience. Sur un animal, on enlève avec soin une partie de la paroi osseuse du crâne, et on met à nu le cerveau de manière à observer la circulation à la surface de cet organe. C’est alors qu’on fait respirer du chloroforme pour opérer l’anesthésie. Dans la première période excitante de l’action chloroformique, on voit le cerveau se congestionner et faire hernie au dehors ; mais, dès que la période du sommeil anesthésique arrive, la substance cérébrale s’affaisse, pâlit, en présentant un affaiblissement de la circulation capillaire qui persiste autant que dure l’état de sommeil ou de repos cérébral. Pour observer le cerveau pendant le sommeil naturel, on a pratiqué sur des chiens des couronnes de trépan en remplaçant la pièce osseuse enlevée par un verre de montre exactement appliqué, afin d’empêcher l’action irritante de l’air extérieur. Les animaux survivent parfaitement à cette opération ; en observant leur cerveau par cette sorte de fenêtre pendant la veille et pendant le sommeil, on constate que, lorsque le chien dort, le cerveau est toujours plus pâle, et qu’un nouvel afflux sanguin se manifeste constamment au réveil, lorsque les fonctions cérébrales