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LES
ORIGINES DU GERMANISME

IV.
LA GERMANIE DE TACITE. — L’IMAGINATION ROMAINE ET L’ASPECT D’UN MONDE NOUVEAU.

Pendant que, du côté des barbares, s’accomplissait le passage, que nous avons décrit[1], de l’état de tribus non fixées à l’état agricole connaissant les demeures fixes et la propriété foncière privée, dans le même temps une transformation intellectuelle et morale s’opérait chez le monde romain, provoquée en grande partie par la solennelle rencontre du génie classique et du génie germanique. S’il est vrai que, nous plaçant à une date aussi reculée que l’est celle d’un Tacite, nous ne puissions recueillir sur la civilisation nouvelle apparaissant à l’horizon qu’un assez petit nombre d’observations authentiques et directes, nous pouvons du moins, dès le premier contact entre ce monde nouveau et le monde romain, mesurer quel ébranlement le génie classique en a ressenti, et augurer par là du futur rôle de ce génie barbare, tant il est vrai que le livre de Tacite marque un grave moment non pas seulement dans l’histoire politique et sociale, mais aussi dans l’histoire morale et intellectuelle. Nul peuple étranger n’avait encore forcé la conscience romaine à cet aveu, plusieurs fois exprimé par l’historien, qu’il pourrait arri-

  1. Voyez la Revue du 1er mars, les Institutions et l’état social des Germains selon Tacite.