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chises germaniques ont triomphé par le secours de l’étranger, qu’après Gustave-Adolphe rien ne leur fut plus utile que l’alliance de la France. Grâce à Richelieu, à Mazarin, à l’épée de Condé et à la paix de Westphalie, le sceptre impérial ne fut plus pour l’Allemagne une menace ni un danger, et il put reconquérir cette popularité des pouvoirs faibles, qui ont moins de réelle autorité que de lustre et de prestige. On ne saurait les rendre responsables de rien. La faiblesse a cet avantage, qu’elle peut s’attribuer toutes les bonnes intentions, et souvent c’est un bonheur pour un gouvernement que d’avoir le droit de ne rien faire.

Dans les premières années de ce siècle, par l’établissement de la confédération du Rhin, vaine chimère d’un enfant gâté de la fortune qui en était venu à croire tout possible, l’Allemagne perdit son empereur. Au congrès de Vienne, il fut question de le lui rendre. Stein, passionné pour cette restauration, avait réussi à gagner à sa cause Capo d’Istria et la Russie; il ne put vaincre la résistance des princes de Metternich et de Hardenberg. Comme l’a dit M. Thiers, « l’Autriche avait senti le poids de la couronne germanique, et elle n’en voulait pas la dépendance, si en la rétablissant on la laissait élective. Or, comme la Prusse ne pouvait l’admettre qu’élective, dans l’espérance de l’obtenir un jour, l’Autriche avait eu la sagesse de ne plus vouloir d’une couronne fort lourde, qu’on n’obtenait à chaque règne qu’en flattant les électeurs, et qu’on était menacé de voir passer à la Prusse. » Dès lors on put prévoir que la restauration de l’empire ne s’accomplirait qu’après une lutte décisive entre la Prusse et l’Autriche, que la couronne serait le prix du vainqueur, et que cette couronne deviendrait un patrimoine de famille. En attendant, ce ne furent pas seulement les âmes romantiques qui pleurèrent l’empire disparu : il avait le grand mérite de ne plus exister, et ce qui existait plaisait peu. La confédération germanique s’appliquait à faire regretter l’empereur.

Jamais nation ne ressentit une déception pareille à celle qu’éprouva l’Allemagne au lendemain des guerres de l’indépendance. On venait de faire de grandes choses, on avait brisé ses chaînes et renversé le colosse qui tenait l’Europe sous son talon, maître impérieux que la révolution avait mis sur le pavois et qui avait renié sa mère; on avait invoqué contre lui les idées mêmes qu’il avait trahies, et au prix de sanglans sacrifices on avait eu raison de ce génie en démence. Un enthousiasme généreux animait les cœurs, on sentait courir dans ses veines la fièvre des grandes pensées et des grandes actions, et l’Allemagne demandait à ses hommes d’état de s’inspirer de ses désirs, de respecter ses espérances, qui avaient germé et fleuri dans le sang, de lui préparer un avenir digne de ses efforts ;