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pléé. D’ailleurs les choses se passent déjà ainsi dans beaucoup de centres manufacturiers sans qu’aucune réglementation administrative soit jamais intervenue. Dans les industries au contraire où le chiffre des affaires est très flottant, ou bien les patrons refuseront de s’engager vis-à-vis des travailleurs et ne les prendront qu’à la condition de rester libres l’un envers l’autre, ou bien, s’ils acceptent l’engagement, ils s’arrangeront pour en rendre dans certaines circonstances la résiliation inévitable, ou bien enfin ils retiendront sur les salaires une somme équivalente au risque que leur fait courir l’obligation de conserver un nombre fixe d’ouvriers.

De toute façon, cette combinaison serait peu utile contre les coalitions et les grèves. Au moment où le contrat devrait être renouvelé, on verrait se reproduire plus graves toutes les difficultés dont nous sommes témoins aujourd’hui ; les parties se montreraient d’autant moins conciliantes qu’elles sauraient qu’elles vont s’engager pour un long terme; elles n’abandonneraient rien de leurs prétentions, sentant bien qu’un moment de faiblesse les lie pendant plusieurs mois. Ensuite un grand nombre de contrats étant naturellement périmés le même jour, les ouvriers seraient évidemment portés à une action commune, et les coalitions qu’on voudrait éviter renaîtraient presque nécessairement chaque année. En examinant la question sous toutes ses faces, il ne nous semble pas qu’une sanction pénale donnée aux engagemens industriels puisse devenir un gage sérieux de paix et de concorde. Les contrats de cette nature doivent être volontaires, résiliables ou modifiables dans certaines conditions et après certaines formalités déterminées d’avance. Ici encore, des institutions analogues aux conseils d’arbitrage anglais donneraient d’excellens résultats. On s’adresserait aux arbitres toutes les fois qu’il y aurait soit dissentiment sur l’interprétation des clauses du traité, soit demande de modifications introduite par l’une des parties. La seule obligation que s’imposeraient les contractans serait de ne pas rompre ni modifier le traité avant d’en avoir appelé au conseil d’arbitrage. Le rôle de celui-ci serait d’apaiser, de concilier, de faire prévaloir les idées raisonnables et d’écarter du débat les passions violentes ou les simples froissemens d’amour-propre. C’est en introduisant l’organisation des conseils anglais dans nos principaux centres manufacturiers que nous pourrions le mieux remédier aux abus des coalitions et des grèves.


IV.

En tout cas, gardons-nous de chercher ce remède dans un retour à l’interdiction des coalitions. Il est des pas en arrière qu’il n’est