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tion. L’assemblée connaissait d’abord de toutes les affaires d’une nature générale; mais on y voit aussi traiter, après la conquête, à la fois les questions concernant le gouvernement du pays, et les ventes de terres, les mariages importans, les affranchissemens des serfs. Bien plus, l’époque de l’assemblée étant solennelle, c’est, pour tous les habitans, le signal d’une réunion qui, en des temps et en des pays de communications difficiles, devient très intéressante pour le commerce et les échanges de la vie sociale. C’est à l’althing que l’Islandais puissant et riche, tout en exerçant son droit politique, fait montre de sa nombreuse escorte et augmente son crédit. C’est à l’althing que se rencontrent les chefs des divers districts et les voyageurs revenus de l’étranger. Il devait en être de même chez les Germains de Tacite. Le mal était sans doute déjà pour eux ce que nous voyons qu’il fut pour la plupart des peuples barbares au lendemain de leur établissement, le principal organe du gouvernement et de la civilisation. Que les hommes libres deviennent très nombreux, que le progrès de la vie publique et de la vie privée multiplie les relations et les devoirs, il deviendra impossible aux chefs de famille de se rendre, comme autrefois, aux diètes solennelles, et de l’absolue nécessité sortira le germe du gouvernement représentatif.

A côté de l’assemblée publique, l’armée, car telle est la double expression de la tribu germanique, selon qu’on la considère se gouvernant elle-même, ou déployant ses forces pour l’attaque et la défense. Dans l’une et l’autre fonction, aussi bien que dans la vie civile en pleine paix, son organisation est la même. Le peuple romain, réuni au Champ de Mars dans ses comices, s’appelait exercitus, parce qu’il s’y rendait en armes, et en observant dans le double exercice de ses devoirs politiques et militaires la même distribution de ses différens groupes. Il en était sans nul doute ainsi chez les Germains. On voit dans Tacite le princeps, c’est-à-dire le chef du hundred, jouer en certains cas un rôle dans l’assemblée, évidemment au nom des membres de ce groupe qui assistent. Dans les sagas islandaises, on distingue fort clairement que les hommes de chaque canton se rendent et siègent ensemble à l’althing. Pour ce qui est de l’armée. César et Tacite, on l’a vu, signalent des corps de cent et de mille hommes, qui répondent assurément aux circonscriptions civiles desquelles nous avons dit que, primitivement au moins, elles se composaient de cent ou de mille pères de famille. Le groupe du hundred, qui est l’unité principale dans la constitution civile, l’est aussi dans la constitution militaire : herr er hundred, dit Snorre Sturleson, le chroniqueur islandais, c’est-à-dire l’armée est le hundred, ou réciproquement le hundred est l’armée. Peut-être