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principalement des fougères, des prêles, des cycadées, des conifères qui appartenaient aux groupes des araucarias, des cyprès et des séquoias actuels, les cèdres et les pins ne sont arrivés qu’après l’époque jurassique. Il y avait de rares monocotylédones. On n’a pas encore trouvé de dicotylédones angiospermes ; l’absence de ces plantes, dont les nombreuses et magnifiques fleurs forment principalement la parure de nos campagnes, donnait à la flore jurassique de la France une infériorité par rapport aux flores tertiaires et actuelles. La végétation était monotone, composée presque partout de plantes coriaces au feuillage dur et maigre, peu susceptibles de fournir des substances alimentaires aux animaux. Deux genres d’arbres verts ont dû avoir une grande dimension ; ce sont les brachyphyllum, dont les feuilles disposées en spirale avaient la forme d’écussons, et les thuites, que l’on confondait souvent avec les brachyphyllum avant les recherches de M. de Saporta. La plupart des autres plantes étaient de petite taille ; les cycadées notamment, qui sont de nos jours des végétaux peu élevés, l’étaient encore moins dans les temps secondaires ; certaines espèces avaient seulement quelques pouces de hauteur.

A cet égard, le monde des plantes a formé un étrange contraste avec le monde animal. En effet à l’époque de la houille, la végétation était luxuriante ; les calamites, les sigillaria, les lépidodendron formaient de majestueuses forêts où se mêlaient les fougères les plus variées ; ces forêts demeuraient silencieuses, les animaux qui les habitaient étaient chétifs encore : des insectes, des scorpions, des mille-pattes, des reptiles en général de petite taille devaient peu troubler leur solitude ; la vie n’était encore puissante et féconde qu’au sein des eaux. A l’époque jurassique, le monde animal a conquis la terre ferme ; à la vérité les mammifères n’étaient pas nombreux et perfectionnés comme ceux des âges plus récens, mais les reptiles avaient pris un grand développement ; tandis que des ichthyosaures, des plésiosaures, des téléosaures, régnaient dans les mers, les scélidosaures, les mégalosaures peuplaient les continens. Faut-il penser que ces puissans quadrupèdes avaient pour domaines des campagnes couvertes d’une chétive végétation ? Dans l’état actuel de la science, il semble difficile de répondre à cette question d’une manière tout à fait affirmative, car les continens de l’époque jurassique sont bien moins connus que ses océans. Qui peut dire les étonnemens réservés aux paléontologues quand les assises secondaires de formation terrestre auront livré leurs reliques encore presque toutes cachées ? Pour les obtenir, il faudrait que M. de Saporta eût de nombreux imitateurs.


ALBERT GAUDRY.


C. BULOZ.