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VALROGER

Oui ; pour commencer, cela m’est absolument nécessaire.

LOUISE

Eh bien ! comme, en ne vous accordant pas le commencement, je serai, espérons-le, préservée de la fin, je déclare que, méchant ou non, je ne puis haïr le bienfaiteur de mes pauvres et le sauveur de mon frère.

VALROGER

Vaine invocation au passé ! Vous me haïrez quand même !

LOUISE

Comment vous y prendrez-vous ?

VALROGER

D’abord je vais faire la cour à madame de Louville.

LOUISE, regardant vers une portière en tapisserie.

À quoi bon, si je n’en suis pas jalouse ?

VALROGER

Vous m’avez demandé grâce pour elle. Il faut que je sois inexorable pour vous prouver que je ne vaux rien.

LOUISE, lui montrant la portière, dont les plis sont agités.

Vous pouvez lui faire la cour ; à présent qu’elle a tout entendu, elle saura se défendre. Vos plans sont livrés, et peut-être… (Elle va à la fenêtre.) Cette voiture qui roule… Oui, c’est un renfort qui lui arrive.

VALROGER

Son mari ?

LOUISE

Précisément.

VALROGER

Si madame de Louville est hors de cause, on se passera de ce moyen-là.

LOUISE

C’est tout ce que je voulais. Merci, mon cher monsieur ; elle est sauvée, et moi, je ne vous crains pas.

VALROGER

Merci, ma chère madame, voilà que vous acceptez le défi !

LOUISE

Le défi de quoi ? Vous voulez que je vous craigne pour arriver à vous aimer ? C’est un prologue inutile, puisque nous voici d’emblée au dénoûment. Ce que vous voulez, ce n’est pas l’amour, vous en êtes rassasié, vous n’y tenez pas, et c’est ma vertu, c’est-à-dire ma tranquillité seule, que vous voudriez ébranler. Eh bien ! sachez que, dans les âmes fermées aux malsaines agitations de la passion folle, il y a des émotions plus douces et plus pures qu’on peut être fier d’avoir fait naître et de conserver toujours jeunes. Il n’est pas