Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/930

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viendrez peut-être d’une certaine demoiselle qui s’appelait Aline, et qui n’était pas du tout reine de Golconde ?

VALROGER

Eh bien ! madame ?

LOUISE

Eh bien ! monsieur, cette jolie personne, que vous protégiez, fut prise au sérieux par un jeune provincial, mauvaise tête…

VALROGER

J’y suis, je me souviens ! Il y a de cela cinq ou six ans. Vous le connaissez, ce petit Ferval ?

LOUISE

C’était mon frère, un enfant qui eut la folie de vous provoquer et dont vous n’avez pas voulu tirer vengeance, car, après lui avoir laissé la satisfaction de vous envoyer une balle, vous avez riposté sur lui avec une arme chargée à poudre. Il ne l’a jamais su ; mais des amis à vous l’ont dit en secret à sa mère, qui l’a répété à sa sœur. Vous voyez bien que cette sœur ne peut pas rire quand elle prétend qu’elle vous aime !

VALROGER

Alors on a bien raison de prétendre qu’un bienfait n’est jamais perdu, car votre amitié doit être une douce chose ; pourtant…

LOUISE

Pourtant ?…

VALROGER

Vous avez tort de l’offrir pour si peu, madame ! C’est un excitant dangereux.

LOUISE

Dangereux pour qui ?

VALROGER

Pour moi.

LOUISE

Pourquoi me répondez-vous comme cela, voyons ? À quoi bon poursuivre l’escarmouche de convention et garder le ton plaisant, quand je vous dis tout bonnement les choses comme elles sont ?

VALROGER

C’est que vous oubliez vos propres paroles : je suis un méchant, et j’ai le cœur froid comme glace.

LOUISE

Je n’ai jamais cru cela.

VALROGER

Eh bien ! vous avez eu tort ; il fallait le croire.

LOUISE

Pourquoi mentez-vous ? Je ne comprends plus.

VALROGER

Je ne mens pas. Je suis amoureux de vous.