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LOUISE

Vous le devez à madame, qui m’a dit de vous le plus grand bien.

ANNA

Ah ! par exemple !… (Louise lui fait signe de se taire.)

VALROGER, à Anna.

Je dois donc vous remercier encore plus que votre amie…

ANNA, sèchement.

Ne me remerciez pas. Je ne mérite pas tant d’honneur !

VALROGER, railleur.

Oh ! madame, vous me dites cela d’un ton… Me voilà éperdu entre la crainte et l’espérance !

ANNA, avec hauteur.

L’espérance de quoi ?

LOUISE

L’espérance de nous plaire. (Tendant la main à Valroger.) Eh bien ! monsieur, c’est fait ; vous nous plaisez beaucoup.

VALROGER, lui baisant la main.

Vraiment ! (À part.) La drôle de femme !

LOUISE

Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Je ne savais pas moi, que vous étiez le meilleur des hommes, et que tous nos pauvres avaient été comblés par vous. C’est mon amie qui vient de me l’apprendre.

VALROGER, à Anna stupéfaite.

Comment ! vous saviez… Vraiment me voilà réhabilité à bon marché ! Est-ce qu’il y a le moindre mérite ?

LOUISE

Oui, il y a toujours du mérite à savoir secourir avec intelligence et délicatesse. Ce n’est peut-être pas bien méritoire pour nous autres femmes, nous n’avons à faire que ça ; mais un homme du monde que ses plaisirs n’emportent pas dans un tourbillon d’égoïsme et d’oubli !… Allons, je vois que je vous embarrasse avec mes louanges…. c’est fini. Je vous devais cette explication, et nous n’en parlerons plus.

VALROGER

Eh bien, non, madame ! puisque vous le prenez ainsi, je veux tout savoir. Avant que madame de Trémont prît la peine de vous apprendre que j’étais un ange, vous pensiez que j’étais un démon, puisque vous me repoussiez sans merci de votre sanctuaire ?

LOUISE

Vous saurez tout, car vous êtes de trop bonne compagnie pour