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LOUISE

Comment se fait-il qu’il soit dans ton parc, sachant que tu ne reçois pas ?

ANNA

Il aura voulu voir au moins mon parc, et, comme le jardinier ne sait pas refuser vingt francs… Je le chasserai.

LOUISE

Le jardinier ?

ANNA

Certainement. Il aura reçu de l’argent pour fournir à ce monsieur le moyen de m’apercevoir.

LOUISE

Voilà de l’argent bien mal employé !

ANNA

Ah ! tu trouves que ma figure ne vaut pas la dépense ?

LOUISE

Si fait, mais il aurait dû se dire qu’il la verrait pour rien !

ANNA, fermant brusquement le rideau.

Il ne m’a pas vue.

LOUISE

C’est qu’il n’aura pas voulu ! Alors il a moins de curiosité que toi.

ANNA

Tu n’es pas curieuse, toi, de voir un homme dont on parle tant ? Il est là, tout près !

LOUISE

Au fait, la vue n’en coûte rien. (Elle va à la fenêtre et regarde.) Franchement, eh bien ! je ne suis pas de ton avis. Il est très agréable.

ANNA

Agréable ! comme monsieur le bourreau de Paris !

LOUISE, revenant.

Ah ! mais, tu le détestes, ce pauvre M. de Valroger !

ANNA

Et toi, tu le protèges ?

LOUISE

Contre qui ?

ANNA

Je ne sais pas, mais enfin tu meurs d’envie que je le reçoive.

LOUISE

Ça vaudrait peut-être mieux que de s’en priver avec tant de regret.

ANNA

Parle pour toi.

LOUISE

Moi ? je suis sûre de le voir chez moi. Sa visite m’a été annoncée par ma mère.