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construire par les compagnies ? L’industrie privée, si elle avait eu la faculté d’établir et d’exploiter des chemins de fer à sa guise, se serait-elle portée vers tous les points que l’on voit aujourd’hui sillonnés de rails ? Sous le régime exclusif de l’état ou avec l’industrie libre, voyageurs et marchandises seraient-ils transportés dans de meilleures conditions de service et de prix ? La réponse à ces différentes questions est fournie par la comparaison que l’on peut faire entre les principaux pays quant à l’organisation des voies ferrées, et, si l’on établit la balance entre les divers élémens, cette comparaison n’est point au désavantage de la France. Puisque le débat s’est engagé de nouveau à l’occasion d’un encombrement des marchandises, il suffit de rappeler que la Belgique et l’Allemagne ont eu à souffrir des mêmes embarras. Quel que soit le régime, il faut s’attendre et se résigner à des risques imprévus. Ce qui est au-dessus de toute contestation, ce que la génération qui a vu la pose de nos rails oublie trop vite et ce que la génération nouvelle ne peut pas apprécier exactement, c’est l’immense progrès réalisé dans toutes les catégories de transport. Pour le nombre et la variété des directions, pour la régularité et la vitesse, les améliorations par rapport aux anciens modes de locomotion sont très sensibles, et il devait en être ainsi ; quant aux tarifs, non-seulement les prix fixés par les cahiers des charges sont inférieurs à ceux qui étaient autrefois perçus par les messageries et par le roulage, mais encore les prix adoptés par les compagnies à la suite de réductions successives s’abaissent dans beaucoup de cas fort au-dessous de ceux qui ont été stipulés par les contrats de concession. Il serait facile de multiplier les statistiques. En moyenne, si l’on tient compte des combinaisons par lesquelles les compagnies ont voulu faciliter les abonnemens ainsi que les excursions rapides, le tarif des voyageurs est inférieur de 23 à 25 pour 100 au tarif légal, et le prix de transport des marchandises de petite vitesse est ramené à 6 centimes par tonne et par kilomètre. On a beaucoup discuté tout récemment sur la législation commerciale de la France et sur l’influence favorable que la réforme des taxes douanières a exercée sur les échanges. La liberté du commerce est un grand bienfait qu’une politique intelligente et impartiale doit conserver à notre pays ; mais peut-être n’a-t-on pas suffisamment mis en relief les services que les chemins de fer ont rendus au commerce en contribuant plus encore4 que l’abaissement des barrières de douanes à l’extension du trafic international. Les suppressions ou réductions de droits n’auraient pas toujours suffi pour permettre la concurrence entre les produits des différentes nations, s’il n’y avait pas eu en même temps une diminution très marquée des frais de transport. Il y a