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de chaque législature. Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici quelques faits et quelques chiffres. Quand le gouvernement de juillet commença le réseau, le crédit public et le crédit privé n’avaient point l’élasticité que nous leur avons vue depuis lors. Les capitaux étaient rares et timides. Malgré l’exemple de l’Angleterre, de la Belgique et des États-Unis, malgré les encouragemens et les subventions, ils hésitaient à s’engager dans des entreprises qui dépassaient les proportions habituelles ; En 1848, la France ne comptait que 2,200 kilomètres en exploitation. La révolution de février compromit un moments l’œuvre naissante. Plusieurs compagnies durent être placées sous le séquestre. Ce fut en 1852 que la confiance revint à ces entreprises, grâce à la prolongation des concessions et à la volonté très arrêtée que manifestait le gouvernement de développer les intérêts matériels en échange des libertés politiques ; Dès 1857, le réseau, exploité comprenait 7,500 kilomètres ; en 1866 13,500, et en 1870 plus de 17,000 ; en outre 7,000 kilomètres étaient concédés pour une exploitation plus ou moins prochaine, et l’on poursuivait les études en vue de l’extension du réseau. Comment avait-on pu obtenir ces résultats ? Par quels procédés et à quelles sources s’était-on procuré le capital dépensé pour cet immense travail ? Le trésor public s’était engagé à donner 1 milliard 770 millions en subventions, sur lesquels il avait payé à la fin de 1870 environ 1 milliard, la plus forte part du surplus devant être soldée au moyen d’annuités. Les capitaux privés avaient concouru à la dépense totale pour 8 milliards sous forme d’actions ou d’obligations, et ce qui en a déterminé le placement, ce n’est point la perspective de dividendes exceptionnels pour les actions, ni d’un intérêt élevé pour les obligations (la moyenne du revenu n’atteint pas 6 pour 100), c’est la garantie financière de l’état, c’est l’association de fait qu’il a formée avec les compagnies, c’est la sécurité morale qu’il donne à la constitution du réseau, c’est son contrôle légal et réel sur tous les actes de l’exploitation. Voilà en peu de mots le régime actuel. Sans entrer ici dans tous les détails du mécanisme assez compliqué qui règle les rapports financiers de l’état et des compagnies, on peut dire que nul autre procédé ne nous aurait procuré plus économiquement ni plus vite les 17,000 kilomètres de voies ferrées. Si le trésor s’était seul chargé de l’entreprise, aucun gouvernement n’aurait osé demander, aucune législature n’aurait accordé une série d’emprunts successifs s’élevant à 10 milliards et s’ajoutant à tant d’autres. Si le réseau avait été livré à l’arbitraire de l’industrie privée, celle-ci, à supposer qu’elle eût réuni les capitaux nécessaires, n’aurait sollicité de concessions que pour les grandes lignes, en laissant de côté une grande partie du territoire, ou bien elle aurait exigé des tarifs très élevés pour desservir les régions moins