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intérieurs ont acquis de grandes proportions ; on savait que Paris est le centre de ce mouvement commercial, et que, semblable à une pompe aspirante et foulante, il reçoit et déverse à toute heure un flot continu de tous les produits ; mais on n’avait pas encore eu l’occasion de calculer à peu près exactement le stock de marchandises qui doit être considéré comme un approvisionnement normal. Or il résulte de l’observation que, pour la plupart des produits qui peuvent être conservés, ce stock représentera consommation de trois ou quatre, mois. Cette durée se rapproche de celle qui est généralement fixée pour le crédit. Quand Paris fut à la veille d’être assiégé, on s’occupa exclusivement de presser les arrivages de denrées alimentaires, on songea peu aux autres produits d’utilité courante ou de luxe, et cependant beaucoup de magasins demeurèrent plus ou moins approvisionnés jusqu’à l’armistice : les vins et les spiritueux abondaient ; il fallut la commune pour les absorber. Dans l’est et dans le nord, les vivres devinrent rares après le passage des armées ; mais, malgré la rupture des communications, des tissus et autres articles fabriqués, ne furent épuisés que dans les derniers momens de la guerre. La production doit donc avoir, terme moyen, une avance de trois ou quatre mois sur la consommation. Avant l’établissement des chemins de fer, ce délai devait être beaucoup plus long. La rapidité des transports permet aujourd’hui de donner au capital employé dans le commerce de détail un emploi plus fréquent et plus fructueux. Ce progrès que l’on doit aux voies ferrées n’a certainement pas dit son dernier mot.

En même temps, on a pu constater le rôle prépondérant qui est assigné à la France dans le mouvement du commerce européen. L’Allemagne, comme la France, a eu ses transports complètement paralysés pendant la guerre ; les plaintes n’y ont pas été moins vives, et les compagnies de chemins de fer se sont vues également accusées d’insuffisance. Le vainqueur, et c’est une grande leçon n’a pas moins souffert que le vaincu ; mais le commerce, et l’industrie ont des besoins si impérieux, qu’il leur faut accepter des expédiens et subir tous les détours pour maintenir ou rétablir le courant des échanges. La France est la grande voie de transit pour l’Allemagne. Cette voie ayant été brusquement fermée, les Allemands ont dû se porter sur Hambourg, sur Brème, et principalement sur Anvers et Ostende, qui remplaçaient momentanément pour eux le port du Havre. La Belgique s’est donc trouvée encombrée. De même que la France et l’Allemagne, elle a subi sa crise. des transports, crise très intense, qui a soulevé tous les intérêts du pays et qui a occupé pendant plusieurs jours de longues séances de la chambre des représentans. L’encombrement a envahi toutes les lignes : les transports les plus indispensables étaient suspendus ; plusieurs grandes