Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/864

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capital d’une dépense très considérable, augmenterait ses frais généraux par les intérêts servis à ce capital exubérant, accroîtrait le compte d’exploitation par l’entretien d’un trop grand nombre de locomotives et de wagons, et finalement administrerait à la façon d’un prodigue. Le commerce est au surplus très intéressé à ce que les compagnies n’agissent pas ainsi, car ce sont les économies obtenues dans les frais de traction qui concourent, avec l’extension du trafic, à la réduction du prix de transport. L’expérience fixe pour chaque compagnie le nombre approximatif des wagons à entretenir sur les diverses parties du réseau, et le contrôle du gouvernement est là pour rectifier les erreurs qui risqueraient endette matière de compromettre les mouvemens du commerce.

En admettant le cas de force majeure, la commission d’enquête a exonéré les compagnies de la responsabilité qui leur était attribuée au sujet de la crise des transports. Ses investigations l’ont en outre amenée à reconnaître que l’insuffisance du matériel n’était point la cause unique des retards et de l’encombrement. Elle a signalé les fâcheuses habitudes du commerce, qui n’enlève pas immédiatement, comme cela se fait en Angleterre, les marchandises à l’arrivée, et qui se sert des gares et même des wagons comme de magasins ou d’entrepôts ; de là des embarras inévitables dans le service et l’immobilisation d’une partie du matériel. Elle s’est préoccupée des retards souvent considérables qu’entraîne dans certaines gares le service de l’octroi ou de la douane, et elle a demandé que l’accomplissement des formalités administratives soit rendu plus facile et plus prompt. Ne convient-il pas également que sur plusieurs points les espaces destinés à la manœuvre des marchandises, les quais, les magasins, etc., soient plus spacieux et mieux aménagés ? Cette crise aura du moins pour effet de démontrer à tous, au public, aux compagnies, au gouvernement, l’urgence et l’utilité de nombreuses réformes de détails qui perfectionneront l’industrie des transports. Dans cet immense mécanisme qui fait rouler sur deux étroites bandes de fer tout ce qui se produit, se vend et se consomme, sans compter le tonnage non moins précieux des voyageurs, les moindres rouages sont importans. Pour faire face à l’augmentation du trafic, le facile accès et le dégagement des voies ne sont pas moins essentiels que le nombre des wagons qui doivent y circuler nuit et jour. A cet égard, l’on n’est point encore arrivé en France ni ailleurs au plus haut degré d’utilisation des chemins de fer.

Cette période de crise a mis en lumière plusieurs faits économiques dont on n’avait pour ainsi dire que l’instinct, et qui maintenant se dégagent de la manière la plus précise. On savait que par l’action des chemins de fer toutes les régions de la France sont reliées dans une étroite communauté d’intérêts, et que les échanges