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avaient besoin de reconstituer leurs approvisionnemens épuisés. Il y avait là les produits qui se servent habituellement des chemins de fer et ceux qui empruntent d’ordinaire les voies fluviales et les canaux, car la navigation avait été suspendue, et elle ne pouvait pas davantage suffire aux transports ; de plus sur certains points ses tarifs avaient été augmentés de telle sorte qu’une partie de la clientèle des bateaux refluait vers les chemins de fer. Enfin la récolte des céréales ayant été au-dessous de la moyenne, les transports de grains dépassaient les proportions normales, et s’ajoutaient aux embarras contre lesquels les compagnies avaient à lutter.

Pour subvenir à ces besoins extraordinaires de transports, les compagnies ne disposaient même pas de leurs ressources ordinaires en matériel. Sur les 120,000 wagons qui composaient l’effectif des six grandes compagnies, 16,000 étaient aux mains des Allemands, qui, après les avoir affectés au transport de leurs troupes selon les conventions, les employaient pour leur trafic intérieur, et ne les restituèrent que tardivement. L’ensemble du matériel, après avoir fait pendant près d’un an le service de guerre, avait besoin de nombreuses réparations, et comprenait beaucoup de non-valeurs que n’avait pu remplacer d’avance le travail des ateliers, puisque ceux-ci avaient subi un long chômage. C’était donc avec un matériel dispersé, avarié, en partie détruit, que les compagnies étaient appelées à reprendre le service de paix et à commencer l’enlèvement de la plus énorme quantité de marchandises qui se fût jamais accumulée sur toutes les branches de leur réseau.

Le problème était insoluble. La commission d’enquête, après avoir entendu les explications du gouvernement et des compagnies, n’a pas hésité à reconnaître le cas de force majeure en approuvant les mesures déjà prescrites pour atténuer la crise, en insistant avec beaucoup de raison pour que l’on accélérât autant que possible le retour à l’état normal, particulièrement à l’exécution des clauses du cahier des charges qui concernent les délais de transport et de livraison des marchandises. Elle a même fixé la date très prochaine à laquelle l’application de ces délais, suspendus momentanément pour la petite vitesse, doit rentrer dans l’ordre réglementaire.

Le cahier des charges détermine un tarif maximum pour chaque classe de marchandises et un délai dans lequel le transport doit s’accomplir. Pour la plupart des marchandises, les compagnies appliquent un tarif général inférieur au maximum. En outre elles ont établi des tarifs spéciaux, inférieurs au tarif général, sous la condition que les délais de transport et de livraison seront allongés. En accordant ces concessions, elles obéissent à leur propre intérêt, qui leur commande de multiplier la matière transportable par le moyen d’une baisse de prix, et il leur est possible de régler