Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/811

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui causèrent tant de tribulations à ses successeurs. Depuis l’apparition des Magyars jusqu’à l’invasion mongole, le nuage chargé de tempêtes qui pesait sur les Slaves prend des couleurs de plus en plus sombres. La lutte contre les Petchenègues semble d’abord fermer aux Russes le cours même du Dnieper qui baignait la ville des grands-princes, intercepter les rapports commerciaux avec Constantinople, et empêcher ainsi des relations si nécessaires pour la civilisation de la Russie. En effet, quand ils eurent été chassés des déserts de Saratov par les Ghouzes leurs voisins, nation nomade originaire du Turkestan, les Petchenègues se ruèrent sur l’Occident, et partagèrent leurs conquêtes en huit provinces. La chronique de Nestor nous les montre tantôt ardens à se jeter sur la Russie, tantôt soudoyés par les princes pour combattre leurs ennemis. Au commencement du XIIe siècle, les Petchenègues furent obligés de disparaître devant les Koumans (nommés par les Russes Polovtzi, et par Rubruk Kaptchat), qui les écrasèrent si complètement qu’ils se réfugièrent chez les Russes et se fondirent avec eux.

Il est essentiel d’insister sur ces deux faits, parce qu’ils sont également caractéristiques. Les nomades finno-mongols, souvent si redoutables aux Aryens, quittaient la scène comme un éclair qui s’éteint dans les profondes ténèbres de la nuit. Après Attila, son immense empire s’écroule avec fracas. Baïan, fondateur du second empire hunnique, le royaume des Avares, a eu dans les kha-khans un certain nombre de successeurs, dont le dernier a été vaincu par les Franks de Charlemagne ; cependant cet empire, détesté des Slaves, qu’il opprimait cruellement, avait dès le temps de Nestor laissé si peu de souvenirs que le moine de Kiev pouvait dire : « Les Obres étaient d’une grande taille et d’un orgueil sans limites ; mais Dieu les frappa ; ils moururent tous, et il n’en resta pas un seul. De là le proverbe encore usité de nos jours en Russie : Ils périrent comme les Obres, dont il n’est pas resté de trace. » On croit pourtant que les Kounzatchis, qui habitaient au sud-ouest de la Russie, au-delà de l’embouchure du Volga, sont un débris de ce peuple qui fit trembler l’Occident et l’empire d’Orient. Cette disparition en quelque sorte fantastique des peuples dans ces vastes contrées s’explique et par la faible organisation de la société et par la nature du pays. En Grèce et en Italie, le sol hérissé de montagnes est une forteresse naturelle contre laquelle viennent se briser les invasions. Même dans la vallée du Danube, combien de fois les Daces latinisés ont laissé passer dans les retraites des Karpathes le torrent des invasions, pour redescendre dans la plaine quand la tempête avait cessé de sévir ! Si les Magyars ont pu dans la puszta effacer les traces des nations qui les ont précédés, dans les monts de