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sa coquille nacrée un manteau chamarré comme le châle d’un rajah. Les coraux, les madrépores avec leurs fleurs vivantes, sont le véritable luxe du fond de la mer, où leurs corolles étalent les couleurs à la fois les plus variées et les plus franches, semblables à celles des plantes. Aussi avait-on cru retrouver dans ces animaux une autre flore, et, comme si ce n’était pas assez pour chaque zoophyte d’offrir un coloris éclatant, il arrive que la même espèce, sur la même roche, présente des individus de nuances diverses et opposées comme l’orangé et le vert, le bleu et le pourpre, toujours mates comme les teintes des végétaux.

Si l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur la couleur des animaux, on découvre cette loi curieuse, que les oiseaux, les poissons et les insectes seuls offrent des nuances à l’éclat métallique, tandis que les plantes et les zoophytes n’ont jamais que des couleurs franches sans reflets. Les mollusques tiennent le milieu avec les tons irisés de la nacre, qu’on retrouve au reste chez les vers et chez quelques poissons. Pourquoi en est-il ainsi ? quel est le sens de ces exclusions de tel ou tel mode de coloration dans une partie du règne animal ? Notre ignorance ici est absolue. A force d’observer, nous arrivons bien à saisir certaines corrélations évidentes entre deux catégories de faits, mais il arrive aussi que, quand nous voulons rechercher le lien qui unit ces deux ordres de phénomènes, nous sommes si loin de le soupçonner que nous ne savons pas même de quel côté nous tourner pour le voir.

Il n’en est pas ainsi cependant d’une autre loi non moins générale, quoiqu’elle souffre des exceptions soigneusement notées : à savoir que chez tous les animaux la partie du corps tournée vers la terre est plus pâle que celle qui regarde le ciel. Là du moins nous devinons une action de la lumière. Les mammifères, les poissons, les reptiles, les mollusques eux-mêmes subissent la règle. Les poissons qui vivent sur le flanc, comme les soles, les turbots, et qu’on appelle à cause de cela pleuronectes, ont le côté droit, que l’on prend pour le ventre, entièrement blanc, et le côté gauche, qui simule le dos, coloré de teintes foncées. On cite comme des exceptions le blaireau, le ratel, le hamster, chez lesquels le pelage de l’échine est plus clair que celui du ventre. Encore est-il fort singulier que ces animaux aient l’habitude de se tenir fréquemment renversés. C’est ainsi que le blaireau résiste aux chiens, et quant au ratel, les visiteurs du Jardin des Plantes ont pu le voir manger sur le dos, tenant la viande avec ses quatre pattes en l’air. Cependant ces animaux ne sont pas toujours ainsi, et l’on se demande quel lien mystérieux unit donc les particularités de leur pelage à l’attitude qu’ils prennent parfois.