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LE COLORIS
DANS LA SUBSTANCE VIVANTE


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I.

Les poètes et les littérateurs n’ont point eu assez d’expressions pour décrire la parure des fleurs, comme si le privilège des belles couleurs était réservé au monde végétal. Tout au plus quelques-uns, comme George Sand dans un admirable langage, ont-ils dépeint les nuances merveilleuses, mais toutes différentes, de l’aile des papillons et des colibris. Les fleurs ont toujours un ton mat et franc, doux alors même qu’il est le plus intense ; les oiseaux et les insectes revêtent un éclat tout autre, qui semble emprunter aux métaux leurs chatoyans reflets. Sans doute il y a des exceptions, et il n’est pas rare non plus de trouver des nuances à la fois mates et vives chez quelques reptiles et une foule d’oiseaux ; mais le vert tendre de la rainette, quelque pur qu’il soit, n’égale point le moindre feuillage de printemps, le jaune franc du loriot est bien pâle à côté du bouton d’or des prés : sur les continens, la plante a bien réellement le privilège du coloris. Dans l’océan, c’est l’animal ; tout au plus quelques algues ont-elles le vert et le pourpre, la plupart des plantes marines affectent des teintes obscures dans l’échelle du brun. Mais combien le monde vivant de la mer prend une éclatante revanche ! Beaucoup de poissons ont les plus vives couleurs, il en est peu qui ne soient argentés. Les crustacés et les mollusques terrestres, comme le cloporte ou le colimaçon, n’ont que des couleurs ternes, ceux de la mer étalent dans ses profondeurs une éblouissante richesse de coloris. La dure carapace des crustacés elle-même est peinte parfois des nuances les plus heurtées, et parfois a des tons aussi délicats que ceux de la rose. Maint mollusque laisse sortir de