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La population du familistère étant d’environ 900 personnes, c’est donc à peu près 1,100 francs par tête que coûte l’édification des logemens, y compris toutes les dépendances ; à ce prix et dans ces conditions, on a obtenu 500 chambres, 140 cabinets dressoirs, 326 placards, 24 alcôves, 660 portes et fenêtres extérieures et 130 portes et fenêtres aux dépendances. En ajoutant au million du coût principal 80,000 francs pour le mobilier et le fonds de roulement nécessaire aux opérations commerciales, on trouve près de 1,100,000 francs engagés dans l’opération. C’est lourd comme chiffre, et, de l’aveu de M. Godin lui-même, avec les seuls produits de la location on ne s’en tirerait pas. Si tant bien que mal on joint les deux bouts, comme on dit familièrement, c’est avec d’autres produits.

En effet, le goût que l’ouvrier peut avoir pour son logement est des plus émoussés : le plus souvent il prend, sans trop y regarder, tout ce qu’on lui donne ; il n’est sensible qu’au prix. Difficilement pour quelques agrémens, quelques commodités de plus, on lui fera dépasser le taux qu’il a coutume d’y mettre. Cette disposition une fois connue, il n’y avait pas d’autre base à chercher pour le prix des locations ; bon gré mal gré, proportionnées ou non au capital engagé, il fallait les renfermer dans les conditions pratiquées au dehors, c’est-à-dire entre 8 et 12 francs par mois pour deux ou trois chambres. Seulement, au lieu de bouges malsains, l’ouvrier avait au familistère des chambres blanchies à la chaux, toutes pourvues d’un placard ou d’un cabinet, bien éclairées, bien aérées, bien adaptées à la vie de ménage. Les prix d’ailleurs dépendent de l’étendue des logemens et de l’étage où ils sont situés. C’est au mètre qu’on les évalue, le rez-de-chaussée à 26 centimes par mois le mètre carré, le premier étage 29, le second 26, le troisième 23, les caves 10, les greniers 10 ; les façades des cours extérieures du côté de la villes sont louées 2 centimes de plus le mètre carré. Ramené aux chiffres des quittances de loyers, ce tarif équivaut, pour un logement de deux pièces et de 37 mètres de surface, à 9 fr. 60 c. par mois au rez-de-chaussée, 10 fr. 75 c. au premier étage, 9 fr. 60 c. au second, 8 fr. 40 c. au troisième, et ainsi des autres proportionnellement. Dans ces conditions, la valeur actuelle de la location du familistère est de 3,195 fr. par mois ; la recette par an, y compris les jardins et vergers, est de 40,140 francs, ou, déduction faite de 9,756 francs de dépenses, uns somme nette de 30,384 francs, c’est-à-dire environ 3 pour 100 du capital absorbé, au fond une assez pauvre affaire, qui avec des ouvriers n’est pas susceptible de plus-values.

C’est donc à d’autres profits qu’en fin de compte il faut viser, et