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espace de 6 hectares, règnent des promenades, des squares et des plantations d’agrément, entremêlés de potagers et de vergers. Comme tout cet espace est un terrain d’alluvion qu’occupent de loin en loin les crues de la rivière, il a fallu par de forts remblais mettre les constructions à l’abri de l’invasion des eaux. Ainsi les caves ont été bâties au-dessus du sol même, et les rez-de-chaussée portés à 2m,50 environ au-dessus du niveau de la prairie. Les mêmes précautions ont été prises pour les fondations ; pour éviter les tassemens, ces fondations ont à leur base 3 mètres environ de largeur. C’est là-dessus que s’élèvent trois blocs de bâtimens principaux, trois parallélogrammes, destinés soit à l’habitation, soit au service des habitans. Était-ce de L’architecture régulière ? M. Godin a un doute là-dessus et l’avoue nettement, sans vanité d’auteur : il pense que ce serait plutôt de l’architecture successive ; n’ayant pas les moyens de construire en une seule fois un ensemble aussi vaste, il en fit d’abord le tiers, et, après avoir sur ce tiers bien étudié et souvent corrigé les dispositions prises, il passa au second tiers, puis au troisième avec les mêmes procédés d’amendement. Chacun de ces blocs de construction ainsi perfectionnés renferme trois cours intérieures d’où partent le rez-de-chaussée et trois étages. Quelques chiffres en fixeront l’importance. Le corps principal a 65 mètres de façade et 40 mètres de profondeur, l’aile gauche 50 mètres de façade et 33 mètres de profondeur, l’aile droite 54 mètres de façade et la même profondeur que l’aile gauche ; enfin le développement total de l’édifice est de 450 mètres. Un témoignage qu’on ne peut s’empêcher de lui rendre, c’est que l’aspect en est vraiment imposant.

Il ne tiendrait qu’à nous de suivre dans les moindres détails les dispositions intérieures du familistère. Les plans sont sous nos yeux, les coupes transversales également ; M. Godin nous en fait les honneurs, le cordeau et l’équerre à la main, il en mesure toutes les parties. Nous apprendrions que les caves, rendues étanches par un solide béton, ont 2m,30 sous voûtes, les logemens du rez-de-chaussée et du premier étage 3m,15 du carrelage au plafond, ceux du second étage 2m,90, ceux du troisième 2m,60 ; nous saurions également les largeurs des murs et la matière qu’on y a employée, presque toujours la brique, jamais le bois. Sur aucun point nous ne manquerions d’information, ni sur les escaliers, ni sur les galeries à balustrades d’où l’on domine les cours intérieures, ni sur la distribution des logemens, ni sur les dimensions des pièces. Un calcul d’ailleurs résume tout cela. Les logemens et bâtimens dont le familistère se compose sont compris dans un rayon de 90 mètres. S’ils étaient convertis en files de maisons à rez-de-chaussée, avec caves et greniers seulement, ces bâtimens auraient 2,200 mètres de