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ses beaux bras, voilés de flots de dentelles, se détachaient avec le suave éclat de l’albâtre. Le corsage échancré laissait voir aussi sous la neige de la valenciennes une poitrine éblouissante… Elle me tendit la main en souriant, tout en s’efforçant de maintenir dans ses cheveux une aigrette de perles dont elle essayait l’effet devant un miroir à chevalet placé près d’elle… Je lui rappelai qu’à ma première visite je l’avais trouvée déjà essayant une coiffure.

— Ah ! oui, le fameux plumet vert, m’a-t-elle dit en riant ; nous avons changé tout cela, mon brave Tédesque (c’est un petit nom d’amitié qu’elle me donne).

— Vous avez donc changé de fortune ? demandai-je.

— Heureusement ! Nous sommes maintenant des personnages. Magelonne a découvert qu’il s’entend à toute sorte de fonctions importantes ; il s’occupe en ce moment de finances… Moi, j’ai des chevaux, des voitures, des laquais, — ils sont un peu familiers, mais je suis bonne fille ; — j’assiste à toutes les cérémonies publiques, je passe même des revues avec ma collègue de la guerre, et ce soir nous allons au concert des Tuileries.

— Je vois que vous vous amusez beaucoup. N’avez-vous aucune crainte sur l’issue de la lutte avec Versailles ?

— Versailles ! nous n’y pensons jamais. — D’abord, moi, je ne connais pas la politique. Et puis pourquoi voulez-vous qu’on renverse la commune ? C’est un gouvernement aussi bon qu’un autre. Je ne vois que des gens qui s’amusent.

— Et d’autres qui se font tuer ; on s’est battu ces jours-ci.

— Les soldats sont faits pour se battre, et les gardes nationaux aussi ; on les paie pour cela… Rassurez-vous ; les Prussiens n’ont pas pu prendre Paris, les ruraux ne le prendront pas non plus… On le ferait plutôt sauter que de le rendre.

— Vous dites cela tranquillement ?

— Je répète ce que j’entends dire… Au fait, ajouta-t-elle en souriant avec finesse, je ne crois pas qu’il soit aussi facile de faire sauter Paris que ceci (et du bout de son pied elle lança au fond du boudoir une délicieuse petite babouche brochée d’or)… Je me précipitai pour l’aller ramasser, mais je fus devancé par Sonora, qui, croyant à quelque jeu, s’empara de la pantoufle, et se mit à la tirailler en tout sens au grand divertissement de sa maîtresse. Je voulus la lui reprendre, et, dans ma lutte avec cette impertinente petite bête, je touchai du doigt un objet de forme singulière qu’elle portait suspendu à son collier d’argent…

— Le cœur de Dorothée ! Ah ! Fidelis, m’écriai-je avec une douloureuse indignation, ingrate Fidelis ! que vous ai-je fait pour que vous soyez si cruelle ? Se peut-il que vous me traitiez d’une si indigne manière ! Quelle leçon pour ma simplicité ! Je suis bien puni