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a mis la perruque en scène, — et la guerre est déclarée. C’est au mieux et voilà un finale tout trouvé pour le second acte. Quant au prince et à son aide-de-camp, ils tâcheront d’être drôles ; ce qu’il y aura de bouffe dans cet opéra sérieux leur revient de droit. Faisant comme il le dit, le librettiste coupe, taille et rogne, et apporte au maître ces morceaux épars. Là-dessus, l’auteur de Croquefer, avec sa fécondité ordinaire, broche une partition qui renferme les qualités de toutes ses partitions, mais qui n’a que cela et des défauts de plus, sans caractère et sans saillie, quelque chose de prétentieusement coulant et de diversement monotone, une musique qu’on croit se rappeler quand on l’entend, mais qu’on ne se rappelle plus quand on l’a entendue. Ceci achevé, les auteurs se frottent les mains et se disent que, s’ils ne réussissent pas, ils auront bien du malheur.

Eh bien ! ils n’ont pas réussi, et le malheur n’est pas grand. En tout cas, il leur demeure personnel, et ce n’est qu’à eux qu’ils doivent s’en prendre. On ne traite pas de cette main cavalière et brouillonne cette chose sérieuse, qui est l’art, on ne débite pas ainsi, par lots mutilés, ces pages que le génie a faites immortelles, et que la mort aurait dû faire inviolables.

Plus particulièrement, et pour en finir avec le cas de M. Offenbach, du Papillon à Fantasio, en passant par Barkouf et Robinson, voici la quatrième fois, si nous avons bonne mémoire, qu’il essaie de donner à sa popularité la consécration d’un succès de bon aloi, et voici la quatrième fois qu’il échoue. Il est régulièrement tombé quand il a voulu passer du tréteau à la scène. Du levant au ponant, il continue à être borné par Orphée aux enfers et la Grande Duchesse. À chaque tentative nouvelle pour les atténuer, ses triomphes passés resplendissent d’un éclat plus vif, et son impuissance à régulariser son état civil apparaît plus visible. On comprend du reste que de pareils succès finissent par devenir gênans quand ils commencent à n’être plus fructueux. D’où vient pourtant la male chance persistante de tentatives auxquelles il ne manque qu’un peu de conscience pour être honorables, et beaucoup de talent pour être heureuses ? Est-ce que d’aventure le maestro n’aurait ni l’un ni l’autre ? M. Offenbach sans conscience artistique, cela peut se soutenir ; mais sans talent, je n’oserais le dire de peur de faire baisser la Bourse. D’ailleurs ce n’est pas cela absolument. Il y a là une inconnue que nous allons essayer de dégager rapidement, parce qu’au fond de ces légèretés s’agite une question plus intéressante et plus grave que celui qui la soulève occasionnellement ne pourrait le faire supposer.

En politique comme dans les lettres, comme dans les arts, partout enfin où les idées et les hommes sont justiciables du suffrage universel, c’est-à-dire d’une majorité incompétente et facile à l’illusion, à côté de la science véritable, à côté du talent réel, il y a l’imitation, il y a le