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le cours de l’année, et l’on en fit le signe destiné à l’exprimer. On dressa des tarifs généraux pour fixer cette valeur officielle, et il devint dès lors possible de composer l’unité collective d’élémens homogènes, sinon par leur nature, du moins par le symbole qui les représentait. En réduisant, pour ainsi dire, toutes les unités simples à un même dénominateur, le franc, on pouvait les ajouter, et l’on obtenait un total qui avait en tout cas le mérite de ne pas être absurde. On parvenait également à conserver à ces unités leur individualité en les admettant à contribuer chacune pour leur part relative dans la formation des résultats de l’unité colliictive. Un exemple fera mieux comprendre le mécanisme de ce système. Nous avons à décrire, sous l’unité collective n° 53, matières et marchandises diverses, l’entrée des matières ci-après : 1 pinceau à laver, 1 cent de plumes de corbeau et 1 fiole de sandaraque. D’après l’ancienne méthode, on aurait inscrit en recette au compte le nombre 3, expression qui ne donne qu’une idée très imparfaite de l’opération. Dans le système-valeurs, on prend l’estimation correspondant à chacune de ces unités, et, comme le pinceau à laver est représenté par 50 centimes, le cent de plumes de Corbeau par 2 fr. 50 cent., la fiole de sandaraque par 15 centimes, on ajoute ces trois chiffres et l’on porte au compte un total de 3 fr. 15 c. qui constitue une énonciation incontestablement plus précise. Les conséquences de ce progrès s’aperçoivent immédiatement ; la responsabilité du comptable est mieux déterminée ; les contrôles supérieurs peuvent s’exercer d’une manière plus efficace, et le pays peut se rendre un compte plus exact de la richesse de ses arsenaux.

L’adoption du système-valeurs, en faisant disparaître dans les comptes l’indication de la quantité pour les unités collectives, la laissa subsister dans les écritures élémentaires, dans la comptabilité de l’atelier, dans les pièces justificatives des entrées et des sorties, dans les inventaires de fin d’année. Le contrôle local ne fut donc privé d’aucune des garanties dont il jouissait antérieurement. On ne se servit de l’expression francs que pour former les écritures générales et les comptes, afin de fournir un champ mieux préparé aux vérifications du contrôle central du ministère et de la cour des comptes. Cette organisation était évidemment très supérieure à celle qui l’avait précédée. Cependant le mérite n’en fut pas unanimement reconnu ; les critiques furent nombreuses, les unes injustes, les autres fondées. Nous nous bornerons à retenir ici deux des reproches qui nous semblent les plus sérieux. Le premier a pour objet la complication qu’entraîne la mise en mouvement du mécanisme, le second les facilités que le système offre à la fraude au moyen de la substitution d’une matière à une autre.