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énonciations qui peuvent exprimer tant de choses diverses ne réussissent-elles à rien présenter d’une façon sérieuse. Supposons que dans un compte sous le n° 43, métaux, alliages et soudures, on constate à la colonne des sorties le chiffre 1. Ce chiffre peut signifier indifféremment un livret d’argent battu en feuilles de 25 centimes, 1 kilogramme d’acide borique de 5 francs ou de sulfate ferreux impur de 2 centimes, un litre d’eau-de-vie de 85 centimes ou un kilogramme d’or de 3,600 francs. Quelle est l’utilité d’un compte rédigé avec une absence aussi complète de précision, et quelle peut être l’action d’un contrôle réduit à procéder sur un document de cette forme ?

L’insuffisance, pour ne pas dire l’absurdité de ces résultats, et la difficulté de constituer, sans unité collective, des comptes d’une dimension acceptable, ont fait douter plus d’une fois des avantages de la mesure ordonnée par la loi de 1843. On s’est demandé s’il n’y avait pas lieu d’abandonner la comptabilité-matières, de supprimer le contrôle de la cour des comptes et de ramener le système de garantie des opérations à la comptabilité du magasin et au contrôle local. En 1848 surtout, cette question fut sérieusement agitée pour le ministère de la marine. Une commission d’enquête fut désignée par l’assemblée nationale pour en étudier les faces diverses ; elle interrogea tous les fonctionnaires et agens du service, prit l’avis de tous les hommes compétens, et après de longues discussions conclut au maintien de la comptabilité-matières et du contrôle de la cour des comptes. Elle pensa que l’idée du législateur de 1843 était une idée utile, féconde, capable d’assurer au matériel de l’état une protection dont on ne devait pas priver le pays. Il était indispensable que l’administration fût contrôlée autrement que par elle-même, que l’assemblée pût connaître ce qui se passait dans les arsenaux, qu’elle eût sous les yeux des résultats sincères, et que la cour des comptes lui certifiât l’exactitude de ces résultats pour les matières, comme elle la certifie pour les deniers. On ne devait pas se laisser décourager par l’insuccès d’une première tentative ; il fallait redoubler d’efforts, multiplier les essais et rechercher les perfectionnemens possibles.

Ce fut la marine qui ouvrit la marche dans la voie du progrès. Elle imagina de combattre les inconvéniens de l’unité collective par l’introduction d’un système nouveau, connu depuis sous le nom de système en valeurs. Ce système consiste à remplacer dans les comptes renonciation de la quantité parcelle de la valeur en francs. A chaque matière, on assigna un prix conventionnel, invariable dans tout