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la future loi électorale, si les raisons d’équité qui la recommandent étaient facilement accessibles à la logique trop simple et trop paresseuse de l’esprit français. Elle ne pourrait qu’intéresser à l’exercice du droit de suffrage beaucoup d’électeurs qui ne sentent pas le besoin d’aller voter quand ils ne voient aucune chance de succès pour le candidat de leurs préférences. Elle n’aurait pas toutefois beaucoup plus d’influence que les moyens précédens pour empêcher les abstentions. Les seules combinaisons sur lesquelles on puisse compter pour assurer, dans les résultats des élections, une valeur positive aux voix des minorités, supposent des minorités assez fortes, assez résolues, pour profiter, par le groupement et l’entente de leurs divers élémens, de tous leurs avantages légaux. Or c’est là précisément, dans l’état actuel, ce qu’il est le plus difficile d’obtenir des électeurs, même quand leur accord pourrait leur donner la majorité. Certaines minorités ne sont déjà que trop représentées, dans beaucoup d’élections, grâce à l’isolement de leurs adversaires. Les partis sentiraient encore moins le besoin de s’unir, si chacun d’eux pouvait espérer d’avoir ses représentans. Ce n’est pas tout. Notre plus grand mal n’est pas l’isolement des partis entre eux, c’est l’isolement des électeurs eux-mêmes par l’effet de la défiance, à tant d’égards trop bien justifiée, que leur inspirent tous les partis, toutes les opinions, toutes les résolutions à prendre. En vain leur offrirez-vous une représentation équitable de tous les groupes de volontés, s’ils ne savent de quel côté se ranger, si leur ignorance ou leur découragement oppose une force d’inertie à la formation soit d’une majorité, soit de minorités propres à exprimer fidèlement et clairement les divers besoins du pays.


III

Le meilleur remède contre les abstentions serait de ne pas les provoquer par des élections trop fréquentes ; mais il n’est pas toujours permis d’user de ce remède négatif. Même quand tous les corps électifs ont été constitués, la mort, les démissions, les annulations, les élections multiples, y font sans cesse des vacances. Il serait d’ailleurs imprudent de voir dans la répugnance des électeurs pour de nouveaux votes l’indice d’une grande confiance dans leurs mandataires actuels. La seule induction qu’on en puisse tirer, c’est qu’ils n’attendent rien de mieux de l’avenir que du présent. Lorsque par malheur une telle disposition domine dans un pays, elle fait la partie belle aux factieux, car l’abstention dans les élections laisse prévoir une abstention bien plus générale et bien plus funeste devant une révolution ou un coup d’état. Il ne faut donc pas