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circonstances, l’on doit admettre que les ouvriers des manufactures d’Angleterre, — et les femmes comptent pour les deux tiers parmi eux, — sont actuellement doués de notions. scolaires plus complètes que les ouvriers de la petite industrie ou de l’agriculture.

Tous les pays industriels sont dans la même situation. Ainsi en Belgique les deux Flandres étaient affligées d’un paupérisme traditionnel, on eut l’heureuse idée d’y créer des écoles d’apprentissage pour le tissage, où les filles principalement furent conviées. Un rapport officiel publié à Bruges en 1863 constate qu’un progrès remarquable s’est opéré par ce moyen dans l’éducation et la moralisation des jeunes gens des deux sexes appartenant à la classe ouvrière. « Les élèves de ces ateliers, dit le rapport, sont astreints à fréquenter l’école ordinairement pendant deux heures, et, en même temps que l’apprenti y trouve un délassement du travail, il y acquiert des connaissances d’application générale. On a constaté que, dans l’espace de temps qu’on consacre journellement à la connaissance de la lecture, de l’écriture et des premiers élémens de calcul, les apprentis qui fréquentent les ateliers apprennent presque aussi rapidement que les enfans qu’on oblige à rester toute la journée à l’école. » Un examen attentif des documens officiels et privés publiés en France conduit à la même conclusion, que les ouvrières des manufactures ont généralement une instruction supérieure à celle des ouvrières de la petite industrie. Une observation frappe d’abord, c’est que les villes et les patrons n’ont pas hésité à faire des sacrifices pour rendre l’enseignement gratuit ; les populations ont presque toujours répondu à cette louable initiative. Si l’on rencontre encore des traces d’ignorance dans un trop grand nombre de cités manufacturières, ce n’est pas d’ordinaire dans la jeune population indigène, c’est dans les masses étrangères et nomades qui viennent de la campagne. Un rapport présenté en 1861 par M. Thierry-Mieg à la Société industrielle de Mulhouse vient à l’appui de cette assertion. L’intéressante monographie sur les tisserands de Sainte-Marie-aux-Mines publiée dans les Ouvriers des deux mondes, et dont l’auteur ne paraît pas favorable, à la grande industrie, constate cependant « la fréquentation actuelle des écoles par les enfans, autrefois adonnés aux travaux du bobinage, qui se font maintenant à la mécanique. » Le rapport qui précède la statistique des cours d’adultes pour 1868 nous apprend que ces cours furent suivis à Sedan par 300 femmes, parmi lesquelles 57 seulement ne savaient ni lire ni écrire, les autres ayant à compléter leur éducation antérieure, et « beaucoup savent aujourd’hui, avec l’arithmétique et l’orthographe, tenir une correspondance et une comptabilité simple de commerce. » Les rapports des inspecteurs de l’instruction primaire dans le département du Nord nous