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considérable dans certaines localités de la Grande-Bretagne. Les cités manufacturières où se fabriquent la bonneterie et la dentelle comptent notablement plus de femmes que d’hommes ; au contraire les villes adonnées aux travaux métallurgiques ont une population masculine qui dépasse de beaucoup la population féminine. Nottingham par exemple, qui renferme 100,000 habitans, a 10,000 femmes de plus que d’hommes, soit 55,000 âmes du sexe féminin contre 45,000 de l’autre sexe. La proportion est renversée à Dudley, où l’on travaille le fer. L’inégalité est moins grande à Birmingham, qui se livre principalement à la fabrication des métaux ; cependant on y compte encore 105 hommes contre 100 femmes. Il y a des districts agricoles qui ont pris l’habitude d’employer en grandes masses les femmes et les enfans aux travaux des champs, dans le système connu sous le nom de « bandes agricoles » (agricultural gangs). D’après une enquête faite par le gouvernement britannique, la population féminine de ces districts ruraux serait notablement plus nombreuse que la population masculine[1].

Nous avons cru devoir nous arrêter particulièrement à l’Angleterre, parce que c’est là le pays manufacturier modèle ; mais toutes les autres contrées se rapprochent d’autant plus de la Grande-Bretagne que leurs industries sont plus développées, plus progressives et plus florissantes. On a vu avec quelle rapidité et quelle persistance les machines ont empiété sur le travail des femmes à domicile. C’est là un phénomène général, qui n’en est encore qu’à sa première période ; les occupations qui faisaient vivre jusqu’ici l’ouvrière près de son foyer sont les unes après les autres soumises au régime manufacturier. A moins de se résoudre à une vie précaire et de privations excessives, la femme qui n’a ni épargnes ni soutien est entraînée dans le gouffre de la grande industrie. Au lieu de récriminer contre un fait inéluctable, il est sage de se demander quelle est, sur la rétribution, l’intelligence et la moralité de l’ouvrière, l’influence de cette organisation nouvelle. Nous rechercherons ensuite les moyens d’améliorer les conditions du travail aggloméré et de les faire tourner au bénéfice de la famille.


II

Dans tous les temps, les femmes ont éprouvé de grandes difficultés à pourvoir par elles-mêmes à leur subsistance ; elles ont toujours été infiniment moins rémunérées de leurs journées que les hommes.

  1. Voyez les Bandes agricoles en Angleterre dans la Revue du 1er septembre 1869.