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monumens et les maisons pouvaient bien n’avoir pas été formés seulement de marbre blanc ou de pierre nue, et qu’à Rome par exemple, tout aussi bien qu’à Pompéi, le pinceau du peintre avait dû dans une certaine mesure compléter le travail du sculpteur ou du maçon. Jusque-là, tout allait au mieux, mais, le principe une fois admis, on ne tarda pas à en forcer les conséquences. Sous l’influence d’un artiste éminent, M. Hittorff, qui, dans ses travaux comme architecte, dans ses écrits, dans sa polémique avec M. Raoul Rochette, avait soutenu la cause de la polychromie avec une ardeur voisine du parti-pris systématique, une portion de notre école se voua si bien au fanatisme de la couleur à tout propos, sur toutes les surfaces et toutes les matières, qu’elle en vint à sacrifier à cette religion nouvelle quelque chose des points fondamentaux et des vérités les plus nécessaires du vieux dogme.

A force de prétendre, dans les restaurations de monumens antiques, animer ou enrichir l’aspect par la diversité des tons dont on suppose que l’édifice a été revêtu, on ne réussit guère aujourd’hui qu’à introduire partout le caprice et le trouble, à démentir ou à fausser le sens que chaque forme comporte. Ainsi quoi de moins équivoque et de plus invariable quant à sa destination que le chapiteau d’une colonne ou d’un pilastre, à quelque ordre d’ailleurs qu’appartienne ce pilastre ou cette colonne ? Bien qu’il se compose en réalité de plusieurs parties, un chapiteau n’en constitue pas moins, pour le regard comme pour l’esprit, un tout qui ne saurait être morcelé par la couleur sans préjudice à la solidité apparente et à l’idée de support qu’il implique. C’est cependant par ces essais de division déraisonnables que certains architectes contemporains, certains pensionnaires de l’Académie de France à Rome, ne craignent pas d’altérer ou d’affaiblir même l’ordre robuste par excellence, — l’ordre dorique, — en représentant dans leurs dessins le tailloir du chapiteau enluminé d’une teinte, tandis que l’échine et les annelets sont revêtus de teintes différentes. Ailleurs, des ornemens aux tons et aux contours flexibles, faits pour s’enrouler autour d’un objet convexe comme la panse d’un vase, sont transportés sur une plate-bande ou sur une architrave dont ils amollissent et déforment l’aspect ; ailleurs enfin une couleur claire comme le jaune ou négative comme le gris vient, en s’étalant sur un soubassement ou sur quelque autre partie servant de soutien à l’édifice, faire le vide là où il aurait fallu que la vigueur du ton correspondît au caractère de la construction même et en confirmât la stabilité.

On pourrait multiplier les reproches qu’autorise l’emploi de la polychromie à outrance : pour rendre sensibles les non-sens ou les méprises qui se commettent, le mieux sera d’opposer à ces