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les efforts. Ils nous parlent si éloquemment du talent du maître qu’ils suppriment presque la mémoire des faits étrangers à ses progrès. Oublions donc le reste, s’il se peut, en face de ce qu’on nous montre, et n’interrogeons les exemples légués par Duban que pour y trouver, au point de vue de l’art, les enseignemens qu’ils comportent, les secrets dont il nous appartient de profiter.


II

Les dessins exposés à l’École des Beaux-Arts résumeraient incomplètement la carrière parcourue par Duban, s’il fallait ne les envisager qu’à titre de documens sur les constructions qu’il a faites, si l’on y cherchait la succession des travaux d’architecture proprement dite accomplis par lui depuis l’époque où il revint de Rome jusqu’à celle où il quitta Paris pour n’y plus rentrer vivant. Des nombreux monumens que Duban a élevés ou restaurés dans la période comprise entre 1833 et 1870, le château de Blois est le seul qui soit représenté, — par une importante suite de dessins, il est vrai, — à l’exposition récemment ouverte. Tout le reste appartient à l’ordre des restaurations théoriques, je veux dire des études d’archéologie pure d’après un type donné, ou à cette classe d’œuvres moitié inspirées par la réalité, moitié imaginaires, dans lesquelles un artiste érudit rapproche arbitrairement quelques édifices, groupe quelques détails propres à caractériser la civilisation d’un peuple ou d’une époque, usant ainsi, en ce qui concerne l’art, d’une méthode analogue au procédé littéraire employé dans le siècle dernier par l’auteur du Voyage du jeune Anacharsis.

Or, bien qu’ils ne se rattachent pas aux diverses tâches dont Duban s’est acquitté en tant que constructeur, bien qu’ils forment dans l’ensemble de ses travaux une série à part et toute spéciale, ces dessins n’en correspondent pas moins aux différentes phases de son talent. Ils en indiquent à leur manière les développemens, ils en révèlent les inclinations intimes, et, depuis les études d’après l’antique ou les restaurations envoyées de Rome par le jeune pensionnaire de l’Académie de France jusqu’à cette composition, une Voie des tombeaux, que le maître signait à l’âge de soixante et onze ans, ils montrent avec quelle persévérance, avec quelle infatigable ardeur, Duban a poursuivi ses efforts vers le mieux et pratiqué des principes dont il s’était fait une religion.

Si concluans d’ailleurs qu’ils puissent être en ce sens, les témoignages que fournit l’exposition de l’École des Beaux-Arts ont une portée plus générale et une signification plus instructive encore. Les dessins de Duban sont des modèles achevés de ce que doivent être des dessins d’architecture. Ils marquent exactement la limite