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ce respect sagace du passé dont il devait donner des preuves plus mémorables encore dans la restauration du château de Blois : tâche immense qu’il n’eut pas le temps de compléter par l’aménagement intérieur du corps de logis construit, sur les dessins de Mansart, pour Gaston d’Orléans, mais qu’il put du moins mener à fin dans ses parties principales en rétablissant, au dedans comme au dehors, l’aspect des bâtimens successivement élevés ou embellis par Louis XII, François Ier et Henri II.

Bien d’autres travaux appartenant aux premières années qui suivirent la révolution de février ou aux commencemens du second empire mériteraient encore d’être cités, depuis ceux que Duban fit exécuter à Paris dans l’hôtel du duc de Galliera, ou dans le département de Lot-et-Garonne, au château du Sondat, depuis l’admirable restauration du vieux Louvre sur le quai jusqu’à la restauration non moins savante de la galerie d’Apollon, jusqu’aux combinaisons toutes personnelles qu’il inventa pour la décoration, dans ce même Louvre, du grand-Salon et de la salle dite des Sept-Cheminées ; bien des projets pour des monuments qui ne furent pas exécutés par lui ou qui ne reçurent pas même un commencement d’exécution[1] exigeraient au moins une mention dans une étude des œuvres de Duban plus détaillée que ne saurait l’être celle-ci. Qu’il nous suffise d’avoir rappelé par quelques exemples la souplesse et la fécondité d’un talent qui, tour à tour appliqué aux plus vastes et aux plus modestes entreprises, à des tâches « capables, comme aurait dit Vasari, d’effrayer une légion d’artistes, » aussi bien qu’à la construction ou à l’embellissement l’une simple maison, s’est partout montré fidèle à ses devoirs, n’a jamais connu que des ambitions dignes de l’art, et, lorsqu’il lui est arrivé de faillir, n’a péché en réalité que par excès de conscience et d’exigence envers lui-même.

D’où vient pourtant que ce respect scrupuleux de l’art auquel il avait voué sa vie, où vient que ce besoin de n’exprimer que des idées qui fussent siennes et de ne jamais marchander avec sa foi, se soient tournés à un certain moment en chefs d’accusations contre Duban ou du moins en prétextes pour opposer à son autorité personnelle, à sa légitime influence, des prétentions ou des tracasseries administratives aussi regrettables au fond qu’inconvenantes dans la forme ? Ce que Colbert, au XVIIe siècle, n’aurait pas osé faire à l’égard du plus mince architecte, un ministre ne craignit pas de se le permettre envers le chef de, nôtre école contemporaine, à l’époque où celui-ci était chargé des travaux de restauration et d’embellissement du vieux Louvre. Sur les plans qui lui étaient

  1. Le Tombeau de Napoléon Ier, entre autres, au concoure de 1841, le château de Ferrières pour M. de Rothschild, divers projets pour la reconstruction du château de Chantilly, un projet de fontaine pour la cour du Louvre, etc.