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sa tâche, ait à cœur d’en analyser avec un redoublement de scrupule les moindres conditions, et que là où il se serait autrefois contenté d’accuser franchement sa pensée, il ne trouve, pour en traduire les finesses, ni formules assez précises ni procédés assez subtils. On se rappelle par exemple les moulures, les chambranles sculptés, les grilles, les ornemens de toute sorte qui entourent, protègent ou surmontent la porte et les fenêtres du bâtiment en façade sur le quai : l’extrême élégance de ces détails n’a-t-elle pas si bien préoccupé l’architecte qu’il n’y ait en réalité sacrifié l’ampleur des combinaisons générales, la majesté de l’ordonnance, l’harmonie même des proportions ? Il y a loin, selon nous, de cette recherche exagérée de la perfection dans les formes secondaires et dans les menus travaux de l’outil, il y a loin de ces procédés de l’orfèvrerie aux intentions et à la méthode que traduisent les murailles ou les salles de l’École des Beaux-Arts précédemment construites. A l’époque où il donnait les dessins des deux escaliers qui s’élèvent si noblement, en regard l’un de l’autre, derrière le beau vestibule à rez-de-chaussée du bâtiment principal, lorsqu’il décorait la salle de l’Hémicycle et la bibliothèque, lorsque, pour utiliser les travaux commencés par Debret sur une des faces de la cour intérieure, il entourait celle-ci de deux rangs d’arcades superposés, de manière à rappeler sans les contrefaire les Loges du Vatican, Duban obéissait aux conseils d’une intelligence en équilibre pour ainsi dire, à des inspirations d’autant plus fécondes qu’elles étaient mieux réglées par l’esprit de mesure. Sans doute il se préoccupait de la grâce, mais il en poursuivait l’expression sans la séparer de l’idée de la force ; il cherchait et il trouvait l’élégance des détails dans la structure même et le fier dessin de la masse, la finesse dans la fermeté. Plus tard, ses facultés d’invention se concentrèrent trop exclusivement sur les agencemens partiels, et finirent par n’avoir plus guère d’autre objet que les curiosités d’un style qu’on dirait travaillé au ciselet et à la loupe.

En veut-on une preuve ? Que l’on jette les yeux sur la dernière œuvre de Duban, sur cet édicule en marbre élevé à la mémoire d’Ingres dans le vestibule du bâtiment attenant à l’ancienne chapelle des Petits-Augustins. Certes, à n’en considérer les profils qu’un à un, à examiner isolément chaque série d’ornemens ou chaque moulure, on ne pourra que rendre hommage à l’art infini, au goût exquis avec lesquels ces lignes ont été tracées et les saillies ou les retraites qu’elles forment déterminées ; mais tout devait-il se borner ici à des calculs aussi minutieux ? Suffisait-il pour encadrer le buste d’un homme dont le génie comme la nature physique personnifiait l’énergie, sinon la violence, de choisir et d’ajuster des élémens décoratifs si déliés, si expressément métalliques par leur