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Identique au fond à l’Astarté des Phéniciens, à la Tanit ou Rabat-Tanit de Carthage, à l’Alilat (Alilâhet) des Arabes, à la Baaltis de Byblos, à la déesse syrienne d’Hiérapolis et à la Mylitta (Zarpanit) assyrienne, Aschera doit pourtant être distinguée de toutes ses sœurs divines. Chez des peuples aussi dénués d’imagination plastique et de sens artistique, les dieux restèrent toujours à l’état de formes vagues, indécises et flottantes. Nulle fermeté dans les contours, nulle détermination sensible, rien qui rappelle la vie et la personnalité des dieux homériques. Les divinités sémitiques ressemblent plutôt à ces dieux de l’enfance de la race aryenne, à ces divinités presque sans consistance encore des Védas, où Varouna, Indra, Agni, se confondent si souvent, et où le dieu qu’on invoque, Indra, Savitri ou Roudra, est toujours le plus haut et le plus puissant des dieux. On peut encore les comparer aux Titans grecs, à Okéanos, à Hélios, à Géa, ou mieux encore, aux abstractions divines des Romains, comme Fides, Virtus, etc. Il est donc très difficile parfois de distinguer avec précision les divinités diverses du panthéon sémitique. Aussi voyons-nous dans la Bible que El, Baal, Moloch et Jahveh ont été fréquemment confondus. Il y a là cependant au moins trois dieux bien distincts pour la mythologie. De pareilles distinctions ne font guère saisir qu’une différence dans le même, si l’on peut parler ainsi, elles ne sont qu’affaires de nuances et d’approximations délicates, parfois subtiles, mais elles ne sont point arbitraires, et reposent souvent, comme c’est le cas pour Aschera, sur de solides argumens historiques et géographiques.

Cette déesse, dont le culte était associé dans les royaumes de Juda et d’Israël au culte de Baal et même à celui de Jahveh[1], appartenait à l’origine aux tribus chananéennes du sud, mais nullement à la Phénicie ni au pays des Philistins. Bannie par les rois piétistes, comme Ézéchias et Josias, elle eut néanmoins partout des autels et des adorateurs, — et dans le temple même de Jérusalem, — jusqu’à la captivité de Babylone, puisque Jérémie parle encore d’elle, et que le Deutéronome, un siècle après Isaïe, défend de dresser son symbole auprès de l’autel de Jahveh. Toutefois, comme on ne lit son nom dans aucun auteur classique, on peut croire que le Culte d’Aschera avait presque entièrement disparu avant la période hellénique de l’Orient.

Astarté (Aschtoreth), qui ne fut jamais populaire chez les Hébreux, est seule connue des écrivains grecs. Jusqu’à Movers, Aschetta et Astarté ont même été confondues par la science. On a retrouvé l’Astnarté des Phéniciens dans le nom pluriel de la double

  1. Deut., XVI, 21 ; II Reg., XXI, 7 ; XXIII, 15 ; XVII, 16.