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de luth, de harpe et de tambourin. Toute colline ombragée par quelque bouquet d’arbres, bois de chêne ou de térébinthe, était un « haut-lieu », un bâmâh, où s’élevait la stèle de Baal à côté du pieu d’Aschera. Nous avons parlé de ces blocs de pierre dressés sur les montagnes, et auxquels se rattachaient certaines légendes des temps mythologiques et héroïques. On avait bâti des sanctuaires sur ces montagnes. Des prêtres y sacrifiaient. Le peuple y montait pour offrir des victimes et de l’encens à Jahveh ou aux autres divinités, mais surtout à Baal et à Aschera. Il en fut ainsi jusqu’au règne de Josias ou plutôt jusqu’à l’époque de l’exil (586). Au temps de Samuel, les « hauts-lieux » les plus renommés étaient Rama, Guilgal, Beth-El et Misspa. Souvent le sanctuaire du « haut-lieu » n’était pas un temple en pierre, mais une simple tente. Sur les autels de Baal s’élevaient des cippes en pierre, des images du soleil ayant la forme d’un cône ou d’une pyramide et figurant la flamme. La mention de ces colonnes est presque toujours accompagnée de celle des ascherim, symboles d’Aschera.

La montagne était à Baal, le bois était à Aschera. Baal ou Bel, c’est le « seigneur, » c’est le « maître du ciel, » Baal-Schammaim, comme l’ont appelé tous les peuples de race sémitique ; c’est, comme l’Apollon homérique, « le dieu qui lance » au loin ses traits, Baal-Schillekh ; c’est le « seigneur flamboyant, » Baal-Hammân, comme il est nommé dans les inscriptions, en un mot, c’est le soleil[1], non plus considéré comme Moloch, c’est-à-dire comme dieu de la destruction et de la mort dans l’univers, mais comme père de la vie, comme dispensateur suprême de la lumière et de la chaleur, comme principe et cause du renouveau qui chaque année couvre la terre d’une végétation luxuriante.

C’est ce dieu, l’antique Baal ou Belitan, auquel la ville d’Itanos, en Crète, rapportait sa fondation, que les plus anciennes colonies phéniciennes ont adoré. Elles mettaient leurs cités sous sa protection et le nommaient Melkarth, « seigneur de la cité. » Sur les cylindres babyloniens, Bel, père des dieux, tient le cercle, image de l’éternité. Chez les Hébreux, on attribuait à Baal l’influence qu’exerce le soleil sur la végétation et les fruits de la terre, comme le blé, la vigne, les oliviers et les figuiers. Les « villes du soleil, » véritables Héliopolis, n’étaient point rares dans la Palestine. En Syrie, le culte du prophète Élie, grâce à la similitude des noms, a remplacé dans beaucoup de lieux le culte du soleil. Quant aux Danites, ils avaient ouvertement adopté ce dernier culte. L’histoire de Samson

  1. Sanchoniathon, dans Eusèbe (Prepar. evang., I,10), et II Rois, XXIII, 5, interprété par Munk, Palestine, p. 89.