Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre que le soleil considéré comme Moloch. Comme Moloch, il est représenté sous la forme d’un jeune taureau de métal, — d’airain, de fer ou d’or. Le veau d’or adoré dans le désert n’est pas plus une idole égyptienne que ne l’étaient les deux taureaux de même métal que l’on adorait au temps de Jéroboam dans les sanctuaires de Dan et de Beth-El. Jahveh n’est pas un dieu égyptien ; beaucoup l’ont cru à tort. Le temps n’est plus où l’on ne voyait qu’emprunts successifs et universels dans les religions et même dans les systèmes philosophiques des peuples les plus divers. Ce n’était guère d’ailleurs qu’un moyen facile pour remonter à une prétendue révélation primitive. Une doctrine toute contraire a prévalu dans la science. Et d’abord le moyen d’imaginer que des hordes comme celles des Beni-Israël aient compris quelque chose à la civilisation des Égyptiens et aient été jusqu’à leur emprunter des idées religieuses ? Certes un séjour de plusieurs siècles dans un pays, quatre cents ans et plus, doit modifier les habitudes d’un peuple, et il est certain que les Phéniciens et les Hébreux en particulier ont beaucoup emprunté à l’Égypte, mais ces emprunts furent tout extérieurs et ils n’eurent trait qu’à certains détails matériels de civilisation, de culte et d’institutions sacerdotales, comme l’arche sainte, le pectoral du grand-prêtre, la robe de lin et certaines parties du costume des prêtres, les ustensiles sacrés du sacrifice, etc. C’est ainsi que les Hébreux ont emprunté à l’Assyrie ces « taureaux » ailés à tête humaine qu’on retrouve aux portes de tous les palais, ces keroubim qui gardent l’entrée du paradis terrestre, de l’arche d’alliance et du saint des saints du temple de Salomon, et qui servent aussi de monture à Jahveh. Pour l’Égypte, il est même probable que ces emprunts sont en partie postérieurs à la sortie du pays.

Ces pasteurs, campés sur la vieille terre des Pharaons, auraient pu y rester mille ans sans faire un seul progrès. Ils n’ont vu l’Égypte que du dehors. Plus nombreux, ils eussent sans nul doute écrasé la civilisation des peuples de la vallée du Nil, mais ils ne l’auraient jamais comprise. Ils restèrent aussi étrangers à toute culture supérieure que les Bédouins de nos jours qui, à quelques lieues de Damas ou de Bagdad, conservent leurs mœurs patriarcales. Les autres Sémites nomades qui avaient envahi l’Égypte n’adoptèrent pas non plus la religion indigène. M. de Rougé a cependant constaté l’existence d’une religion commune à l’origine à quelques populations du Delta et de la Syrie. Il admet une parenté primitive de Mitsraïm et de Chanaan. Le dieu Set ou Sutech des monumens égyptiens, avant de devenir le sombre Typhon, l’adversaire d’Osiris, fut le dieu national des pasteurs ; le nom sémitique de Set était Schad. Ainsi on retrouve en Égypte, dès ces temps reculés, le Schaddaï ou