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mais qu’importe ? Une génération réalisera l’idéal qu’une autre a conçu. Notre reconnaissance n’en est pas moins acquise aux savans qui nous guideront dans cette étude. D’autres, viendront, plus puissans peut-être, mais non plus sincères, ni plus désintéressés que ces rares esprits.

C’est dans le système religieux de la Chaldée et de l’Assyrie, tel que nous le connaissons par les textes cunéiformes et par les monumens des empires du Tigre et de l’Euphrate, qu’il faut rechercher l’origine des religions de la Syrie, de la Phénicie et de la Palestine. La religion primitive des peuples de race sémitique fut le polythéisme. Comme les antiques habitans de la vallée du Nil, comme les pères de notre race, les Aryas des bords de l’Oxus, comme toutes les espèces humaines de l’ancien et du nouveau monde, les tribus sédentaires ou nomades qui, dès la plus haute antiquité, se répandirent dans les pays compris entre l’Arménie, le golfe Persique et la Mer-Rouge, — les Assyriens, les Arabes, les Chananéens, les Phéniciens, les Hébreux, — ont d’abord adoré le soleil, la lune et les planètes, la lumière et le feu, la voûte immense des cieux étoiles, les montagnes, ces géans nés de la terre, les fleuves, les forêts et les animaux. Tandis que les Aryas du « pays aux sept fleuves, » où furent composés les plus anciens hymnes védiques, étaient sans cesse émus par le spectacle grandiose des révolutions de l’atmosphère, par les combats d’Indra contre le dragon qui retenait prisonnière l’eau bienfaisante du ciel, et par les mille accidens d’ombre et de lumière qui se jouaient dans les nuées embrasées par les feux de l’aurore ou du couchant, les Sémites, d’Alep à la mer d’Arabie, de l’Égypte au golfe Persique, n’ont guère connu qu’un ciel presque toujours ardent et sans nuage, la morne solitude des vastes plaines de sable, et la splendeur incomparable des nuits où la lune, comme une reine, semble dominer toute l’armée des cieux.

De là la pauvreté relative de la mythologie sémitique. Certes il n’y a point qu’arides déserts dans cette contrée d’Asie. Sans parler du plateau central de l’Arabie, sur le bord de l’Euphrate et dans certaines parties de la Syrie le sol est fertile, largement fécondé par les pluies d’hiver, et produit d’abondantes récoltes. Au pied du Liban, il est de délicieuses vallées où l’oranger, le dattier et le bananier se couvrent de fleurs et de fruits. En automne et au printemps, la Syrie est un paradis ; encore souffre-t-on souvent de la sécheresse et de la disette d’eau. Quand on songe à l’Indus ou au Gange, qu’est-ce que l’Oronte, le Jourdain ou le fleuve Adonis ? Des ruisseaux, des lits de cailloux, que l’on passe à pied sec les trois quarts de l’année.

Tel sol, telle race. Dans ces plaines rocailleuses et sablonneuses,