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exactes et plus profondes de notre histoire avec celles des autres pays, ont dû rectifier plus d’un préjugé, ou peut-être aussi quelquefois en apporter de nouveaux.

Nous n’avons pas la présomption d’ajouter une nouvelle opinion, une théorie nouvelle à tout ce qui a été écrit, pensé, professé, par tant d’écrivains illustres ; nous croyons qu’il vaut mieux restreindre le champ des dissentimens que de l’étendre sans cesse. Il nous a semblé que, pour se préparer à bien juger un si grand événement, il serait bon de rassembler toutes les opinions émises par des juges compétens, toutes celles du moins, bonnes ou mauvaises, qui comptent et qui ont un poids. Peut-être ces jugemens, recueillis avec sincérité, résumés avec précision, critiqués avec équité, pourront-ils se servir de contrôle les uns aux autres, et la vérité, qui est une moyenne, ressortira-t-elle d’elle-même du conflit de ces dépositions contradictoires. C’est dans cet esprit que nous avons tracé cette sorte d’esquisse historique d’une philosophie de la révolution française. On peut, sans forcer les choses, la diviser en deux périodes distinctes : la période militante, où nous voyons en présence le pour et le contre, le oui et le non, avec tous les excès de la passion et du parti-pris ; la période critique, période de réflexion, d’examen et de doute. Entre le fanatisme de la première période et le scepticisme de la seconde, c’est à la raison politique à nous enseigner le vrai chemin.


I. — ÉCOLE HISTORIQUE. — ÉCOLE PHILOSOPHIQUE. — BURKE ET FICHTE.

De tous les pays de l’Europe, celui où les principes de la révolution française ont le plus promptement attiré l’attention et provoqué l’examen a été l’Angleterre, accoutumée depuis longtemps à la libre discussion sur les matières politiques, et qui, nous ayant donné l’exemple d’une révolution semblable à la nôtre, pouvait se montrer à la fois fière de notre imitation et inquiète d’en ressentir les contre-coups. Au premier rang de ceux qui tout d’abord prirent parti pour nous et qui jamais n’abandonnèrent notre cause, il faut compter le grand orateur du parti whig, le célèbre adversaire de Pitt et l’un de ses successeurs au ministère, Fox, dont le peuple français ne doit pas oublier le nom, tant sont rares chez nos voisins les hommes d’état qui ont aimé la France ! Parmi les adversaires de la révolution, parmi ceux qui, avec une égale conviction, un égal amour pour leur pays et aussi, croyaient-ils, pour la liberté et l’humanité, ont, soit à la tribune, soit dans des écrits, combattu et solennellement réprouvé cette révolution nouvelle, si différente à