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bablement il ne l’a pas pu. La puissance qu’il ne s’est pas reconnue à Bordeaux, il ne l’a pas davantage aujourd’hui, il l’a peut être moins après l’éclat de toutes ces divisions, que la parole autorisée de M. de Falloux a vainement essayé d’apaiser dans des conférences récentes. Tout ce que ferait dès lors le parti monarchique en ce moment ne serait qu’une tentative hasardeuse, disputée, qui ne pourrait que réveiller les agitations dans le pays en compromettant l’avenir. Est-ce le parti républicain qui pourrait se plaindre de la situation et qui voudrait lui donner un caractère plus définitif ? Mais cette situation, il l’a acceptée à Bordeaux comme une sauvegarde de ses espérances. Quelle garantie de plus trouverait-il dans une proclamation nouvelle, qui à son tour pourrait être désavouée par le pays dans quelques armées ? En croyant triompher, il ne ferait que s’isoler et s’affaiblir, par cela même qu’il mettrait contre lui tous les autres partis. Il a la république de fait que lui faut-il de plus ? Il a la république, il est vrai, sous la réserve des droits de la souveraineté nationale : est-ce qu’en aucun cas il pourrait méconnaître cette souveraineté ? Est-ce qu’un vote de surprise ou de lassitude rendrait la république plus forte et plus vivace ? Les partis eux-mêmes, les partis sérieux n’ont donc aucun intérêt à brusquer un dénoûment, a prétendre changer cette situation en quelque sorte neutralisée, qui n’appartient à personne, qui appartient au pays, et dont la durée est proportionnée à l’occupation étrangère. Qu’on élève cette question, puisqu’on le veut, on en viendra invinciblement à cette solution, parce que c’est la solution du patriotisme. Seulement il devrait être entendu que cette fois la décision serait irrévocable, qu’on n’y reviendrait plus, comme on le fait aujourd’hui, à tout instant et à tout propos, et dès lors dans ces conditions nettes, simples, dégagées de toute équivoque, il n’y aurait plus qu’à s’occuper de la grande affaire, en ramenant tout, institutions, finances, enseignement, formation de l’année, à l’intérêt qui domine tout, la délivrance et la réorganisation de la nation française. Qu’on appelle cela dédaigneusement du provisoire, c’est assez étrange dans un pays où aucun des gouvernemens qu’on préconise n’a duré. Ce serait au moins un définitif de deux années, et qui peut dire ce que produirait de résultats bienfaisans cette trêve des opinions ralliées pendant deux ans autour du drapeau d’un grand et suprême intérêt national ?

L’essentiel est de dissiper tous ces ombrages qui pèsent sur la situation, de mettre fin à cette guerre qui se poursuit sans cesse à mots couverts et sous toutes les formes, comme si on avait peur que le sentiment de la condition précaire des choses ne vînt à s’affaiblir. Ce n’est pas le pays qui demande qu’on réveille perpétuellement ces questions agitatrices et dissolvantes, ce sont des partis toujours extrêmes, toujours irréconciliables, qui les fomentent sans cesse, et ce que demandent les