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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1872.

Un mot d’autrefois, renouvelé de notre temps à l’usage de la politique, dit à peu près qu’il est inutile de se fâcher contre les faits, parce que cela leur est égal. Il y a ainsi aujourd’hui des faits tout-puissans et oppressifs, contre lesquels il serait inutile de se répandre sans cesse en récriminations vaines, parce que cela ne servirait ni à les supprimer ni à les alléger. Ils sont là, pressans et impérieux ; on ne peut se dérober à leur redoutable autorité. Il n’y a qu’une manière de les dominer, si on ne veut pas être absolument et irrévocablement dominé par eux, c’est de s’élever assez pour les regarder de haut, et de s’armer de résolution, de sang-froid, de vigueur morale, surtout de patriotisme et de raison. Telle est la situation de la France avec les faits cruels qui la caractérisent, avec ses difficultés et ses charges, qu’on ne peut ni décliner ni contester, auxquelles on ne peut opposer qu’une politique sérieuse et efficace, celle du bon sens, de la volonté et du dévoûment.

Certes, à considérer cette situation depuis le jour où elle a éclaté en quelque sorte à l’improviste dans sa menaçante gravité, à l’étudier dans ses élémens essentiels, dans ses ressources, dans son développement de toutes les heures, on n’a aucune raison de se laisser aller à un découragement qui ne serait qu’une indigne faiblesse. On pourrait dire au contraire qu’une amélioration sensible s’est produite. Bien des efforts généreux ont été faits pour relever ce grand corps de la France abattu dans la poussière. Le mal a été combattu sous toutes les formes avec fermeté, avec mesure, avec une prudente et attentive vigilance. Une certaine régularité a été rétablie dans la confusion inévitable du lendemain des désastres. On n’a pas vaincu les faits. Ces faits, qui sont trop exorbitans et trop inexorables pour être vaincus en un jour, on les a tenus en respect, on les a neutralisés, en attendant de pouvoir les dominer plus complètement par la toute-puissance d’un réveil croissant