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instinctivement à s’éloigner. A peine est-on à quelque distance qu’on est assourdi par le fracas d’une autre source appelée Steamboat, située plus haut sur une pointe de rocher. Pour avoir la notion du tapage que fait celle-ci, il faut imaginer le sifflement de vingt chaudières dont les robinets de dégagement seraient ouverts d’un coup. C’est à n’y pas tenir.

Ce n’est guère qu’en Islande que le phénomène des geysers a été étudié de près. Les geysirs d’Islande diffèrent en bien des points des sources jaillissantes de Californie ; la différence principale, c’est que l’eau de ces dernières est de composition sulfo-alcaline, tandis que celle des geysers islandais est saturée d’acide silicique. On explique la formation des geysirs par l’infiltration des eaux dans les crevasses des roches volcaniques. Nul doute que les causes des éruptions ne soient les mêmes en Californie. Tous les sommets voisins des geysers californiens sont couverts de neiges et de glaciers donnant aussi naissance à d’immenses quantités d’eau qui s’infiltrent dans les fentes et les cavernes pour ressortir plus tard en colonnes jaillissantes et thermales. En Californie toutefois, la source est permanente, quoique dans de moindres proportions ; en Islande, le caractère prédominant des geysers est l’intermittence.

Après tant de fatigues, un bain venait à point ; il nous fut offert dans un endroit isolé, à peu de distance de là, par une source abritée de magnifiques saules, bain en plein air, bain délicieux, en eau tiède et onctueuse, donnant aux muscles la souplesse, à la peau une douceur veloutée, quoique éphémère. Le dîner nous réunit à l’hôtel. La soirée qui le suivit fut pleine d’enchantemens sous la brillante clarté de la lune dont les rayons éclairaient encore ce que nous venions de voir à la lumière du soleil.

Le lendemain, après une nouvelle et matinale visite au volcan, tout aussi émouvante que la veille, je partis, laissant là mes amis de San-Francisco, en compagnie toutefois jusqu’à Geyser’s-Station des trois institutrices venues d’Healdsburg, et qui y retournaient. A huit heures du soir, j’étais à Calistoga, que je devais bientôt quitter pour me rendre à Whitesulfur, Napa et San-Francisco, après avoir parcouru, au milieu d’une magnifique campagne, ces belles vallées de Sonoma et de Napa. L’heure du retour avait sonné, je l’entendis sans déplaisir ; si je venais en effet de passer d’heureux instans, je reprenais sans peine ma vie de bord accoutumée, elle aussi pleine de charme au milieu des obligations du devoir accompli et des hasards de l’imprévu.


RAOUL LE ROY.