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ceinture de rochers dénudés, calcinés et fumans, d’où se dégagent incessamment des vapeurs de soufre ; par une opposition saisissante, il se termine par un cône de verdure. Ce cratère est là béant, frémissant peut-être ! Dans le fond du gouffre autrefois incandescent ; à demi comblé aujourd’hui, on peut descendre en pleine sécurité sur les bords d’un limpide ruisseau ombragé d’arbres séculaires, aulnes, érables et chênes. L’eau, qui coule à pleins bords, est sulfureuse, tiède, elle provient de crevasses d’où elle jaillit en bouillonnant. Si le volcan est inoffensif, on voit bien qu’il n’est pas désarmé, car, en remontant les parois du talus à la force du jarret dans un sol friable et chaud où l’on enfonce parfois, on arrive à d’autres éminences où les traces d’activité ne sont plus douteuses. On y respire le soufre à pleine gorge au point qu’il faut s’arrêter par momens, sinon reculer. La présence d’un guide est même nécessaire pour empêcher les conséquences de l’ignorance ou de la témérité. Ici et là, le sol semble céder sous les pas, on marche dans le soufre ; les pieds s’échauffent et brûlent, s’ils restent quelque temps à la même place. Le bâton qui sert d’appui entre profondément dans une sorte de magma détrempé, composé de calcaire et de soufre ; du trou qu’il a formé s’échappe avec sifflement un jet de vapeur de peu de durée. Ce sont des fumerolles ou éruptions de vapeurs sulfureuses qui se projettent instantanément sous la forme d’une mince colonne blanchâtre d’un peu moins de 1 mètre de hauteur, indice certain de la pression à laquelle elles sont soumises à peu de distance de la surface du sol. Le dégagement n’est pas spontané, comme on le voit ailleurs, en Toscane par exemple, à Monte-Cervoli, où les jets de vapeurs groupés par dix, vingt ou trente sont disposés sur une même ligne d’un développement considérable, correspondant sans doute avec les profondeurs souterraines ; mais il se produit presque autant de fois qu’il y est provoqué. Là jaillit d’une large fissure que l’on appelle l’Encrier du diable une eau bouillonnante et noire à une température de 35 à 39 degrés[1] ; plus loin une source plus abondante et d’une eau toujours noire faisait, en s’élançant dans les airs à une hauteur de 5 ou 6 mètres, un bruit terrible augmenté par un grondement souterrain non moins effrayant. L’excavation d’où elle sort semble profonde, car les grosses pierres que l’on y roule disparaissent sans laisser de trace ni ralentir en rien la projection de l’eau. L’idée d’une chute dans le soupirail de la terre donne le frisson et force

  1. Je n’ai pas pu, faute d’instrument, constater d’une manière exacte la température de l’eau ; mais elle ne m’a pas paru de beaucoup supérieure à celle du corps. Le goût et l’odeur ne m’ont pas permis d’avoir un doute sur la composition sulfureuse et alcaline des sources.