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appliqués aux composés brûlés dans l’organisme animal ; mais, tout en admettant la réalité théorique des analogies qu’il établit, on ne peut s’empêcher de remarquer que la vérification pratique en est bien difficile et bien délicate. Le moyen de mesurer dans un point de l’économie la chaleur produite par une réaction fugitive au sein profond d’un tissu qu’il faudrait lacérer pour l’explorer ?

Si de ce côté la thermochimie ne paraît pas devoir éclairer beaucoup la physiologie, elle lui révèle d’autre part des sources de chaleur restées inaperçues jusqu’ici. M. Berthelot fait voir que l’acide carbonique de l’économie ne se forme pas toujours par oxydation du carbone, et provient quelquefois d’un dédoublement qui absorbe de la chaleur. On sait que les substances alimentaires se ramènent à trois types fondamentaux, les graisses, les hydrates de charbon (sucres, fécules, amidon) et les albuminoïdes. Or les graisses, en se dédoublant et se combinant à l’eau, comme il arrive sous l’influence du suc pancréatique, donnent de la chaleur ; il en est de même pour les hydrates de charbon, indépendamment de toute oxydation. Enfin les matières albumineuses provoquent aussi des phénomènes calorifiques très nets lors de leur combinaison avec l’eau, suivie de déboublemens divers. Ces faits, signalés par M. Berthelot, doivent intervenir dans le calcul exact et détaillé, peut-être encore prématuré aujourd’hui, de la chaleur des animaux. Quoi qu’il en soit, celle-ci a pour origine l’ensemble des métamorphoses chimiques qui s’accomplissent d’une manière incessante dans les profondeurs de leurs organes, métamorphoses déterminant la rénovation continue de toute la substance organisée, c’est-à-dire la nutrition ; mais pourquoi cette nutrition, pourquoi cette production perpétuelle de chaleur dans la machine vivante ?

Il est possible aujourd’hui de résoudre ce problème, qui enferme le secret d’une des plus belles ordonnances de la nature. La chaleur produite par les animaux est la source de tous leurs mouvemens ; en d’autres termes, le travail mécanique qu’ils effectuent est une transformation pure et simple de l’activité thermique qu’ils développent. Ils ne créent pas la force motrice par quelque opération spontanée qui serait une des prérogatives de la vie, ils la tirent de l’énergie calorifique emmagasinée dans les organes que parcourt le fluide sanguin. Il y a de plus un rapport réglé entre la quantité de chaleur qui disparaît et le travail mécanique qui apparaît. Remarquons cependant que, si tout mouvement est chez les êtres vivans une transformation de la chaleur animale, celle-ci ne se transforme pas tout entière en mouvement. Elle se dissipe en partie par la transpiration cutanée, par le contact et surtout par le rayonnement ; elle est employée à maintenir à un degré constant la température de l’animal, soumis à des causes nombreuses de refroidissement.