Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et elle l’est d’autant plus qu’on se rapproche des extrémités. Au contraire, à mesure qu’on pénètre plus profondément dans l’organisme, on voit la température s’élever ; les cavités sont bien plus chaudes que les surfaces. Le cerveau est moins chaud que les viscères du tronc, et le tissu cellulaire l’est moins que les muscles. Le sang non plus n’a pas la même température dans tous les points du corps. Les travaux de J. Davy et de Becquerel avaient établi que le sang est d’autant plus chaud qu’on l’examine plus près du cœur. M. Claude Bernard a pu mesurer, par des moyens aussi ingénieux que précis, la température des vaisseaux profonds et des cavités du cœur. Il a montré que le sang qui sort des reins est plus chaud que celui qui y entre ; il en est de même pour celui qui traverse le foie. Enfin il a constaté que le fluide nourricier se refroidit en traversant les poumons, et par suite que la température des cavités gauches du cœur est plus basse que celle des cavités droites de 0°,2 en moyenne. Ce dernier fait prouve clairement que les poumons ne sont pas le foyer de la chaleur animale, et que le sang, dans l’acte de sa revivification, se rafraîchit au lieu de s’échauffer.

Les anciens physiologistes avaient cru que la vie a le pouvoir d’engendrer de la chaleur ; ils avaient imaginé chez les êtres organisés une sorte de puissance calorifiante. Galien pensait que la chaleur est innée dans le cœur ; les iatrochimistes l’attribuaient aux fermentations, les iatromécaniciens aux frottemens. Le temps a fait justice de ces hypothèses. Il est aujourd’hui démontré que la chaleur des animaux provient des réactions chimiques qui s’accomplissent à l’intérieur de l’économie. C’est à Lavoisier qu’on en doit les preuves expérimentales[1]. Dès 1777, il établissait que l’air, en passant par le poumon, éprouve une décomposition identique à celle qui a lieu dans la combustion du charbon. Or dans ce dernier phénomène il y a dégagement de calorique ; donc, dit Lavoisier, un dégagement pareil doit avoir lieu au sein du poumon dans l’intervalle de l’inspiration à l’expiration, et c’est ce calorique sans doute qui, se distribuant avec le sang dans toute l’économie animale, y entretient une chaleur constante. Il y a ainsi une relation permanente entre la chaleur de l’être vivant et la quantité d’air entré dans les poumons pour s’y convertir en acide carbonique. Tel est le premier fait capital mis en évidence par le créateur de la chimie moderne ; mais il ne s’en tint pas là. Il entreprit de rechercher si la chaleur théoriquement produite en un temps donné par la formation d’une certaine quantité d’acide carbonique, c’est-à-dire par la combustion d’une certaine quantité de charbon dans

  1. Mayow et Black avaient affirmé avant lui, mais sans preuves précises, que la chaleur animale est due à une combustion.