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authentiquement consacrés par la célèbre bulle d’or promulguée à la diète de Nuremberg de 1356 ; monument, mémorable de la science politique au XIVe siècle, en même temps que de l’indépendance éclairée d’un grand peuple. Les luttes que l’Allemagne a soutenues au XVIe et au XVIIe siècle avec la maison de Habsbourg, remontée au pouvoir après les Luxembourg en 1438, n’ont pas eu d’autre objet que de remettre en vigueur les principes et les droits consignés dans la grande charte allemande de 1356. Ce fut le but précis du traité de Westphalie (Osnabrück) de 1448.

Voilà donc l’Allemagne du XIXe siècle et l’Europe avec elle qui souffrent en 1865, de par l’épée des Zollern, la dissolution violente de la diète de Francfort, et de la confédération germanique, état souverain pourtant dont la constitution, l’autorité avaient été garanties par des traités solennels auxquels avait concouru toute l’association européenne, et qui en 1871, après la conquête patiemment supportée de trois états souverains également garantis par l’Europe, admettent le rétablissement aussi violent d’un empire germanique dont la suppression avait été convenue entre toutes les puissances en 1814. Ce rétablissement réduit trois autres rois indépendans à la condition de vassaux, prussifie l’Allemagne tout entière, unit en un seul corps de puissans états jadis séparés, crée une force formidable et anéantit désormais toute personnalité libre dans cette grande contrée, dont la liberté politique avait été reconnue importer à l’intérêt général de l’Occident civilisé. Frédéric II, grand partisan du traité de Westphalie, approuvait notamment cette disposition de l’ancien droit public allemand qui défendait à l’empereur de déclarer la guerre au nom de l’empire sans la participation, l’avis préalable de la diète[1]. Aujourd’hui, et en vertu du décret constitutif de 1871, l’empereur déclare la guerre et fait la paix selon ses volontés. Ce qui fut refusé aux anciennes dynasties impériales est permis à celle des Zollern. Les forces de l’empire étaient autrefois distinctes de celles du roi de Hongrie et de Bohême ; elles sont maintenant confondues avec celles du roi de Prusse. L’état-major de l’armée de l’empire est le même que celui de l’armée prussienne. C’est M. de Moltke qui est chef d’état-major de l’une comme de l’autre ; il n’y a plus deux armées distinctes, il n’y a qu’une armée, qui est tout à la fois celle de la Prusse et de l’empire, c’est-à-dire dans laquelle les armées naguère indépendantes des états jouissant des honneurs royaux ne remplissent plus qu’un devoir d’obéissance, et n’ont plus d’existence individuelle. Tel est le régime que la maison de Zollern apporte à l’Allemagne, à titre de

  1. Voyez Puffendorff, ouvrage cité, p. 30, note 3 de la 2e partie.