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paix de Paris voulurent dès ce moment fixer un grand principe de sûreté qui importait également à tous, et dont le but était de fonder la pacification sur une égale répartition de forces entre les puissances. L’établissement du système d’états fédératifs indépendans en Allemagne fut donc reconnu comme la base du droit public européen. Les signataires du traité ont été pour la France M. de Talleyrand, pour l’Autriche M. de Metternich, pour l’Angleterre lord Castlereagh et lord Aberdeen, pour la Prusse MM. de Hardenberg et Guillaume de Humboldt, pour la Russie M. de Nesselrode. C’est sur ce principe que fut appuyée un an plus tard, au congrès de Vienne, l’importante et longue discussion relative à l’organisation de la confédération germanique. Si la consécration du système fédératif était une garantie pour l’Europe, elle n’était pas moins conforme aux vœux de l’Allemagne, dont elle assurait la liberté politique en se référant aux grandes et nationales traditions de son histoire, et en prévenant le retour des luttes mémorables que ce pays dut soutenir contre Charles-Quint et Ferdinand II pour défendre son indépendance, luttes dans lesquelles l’Allemagne eût infailliblement succombé, si des secours extérieurs ne l’avaient point aidée.

Le congrès de Vienne, loin de restreindre en 1815 cette liberté garantie en 1814 aux états confédérés d’Allemagne, n’a fait même que l’étendre davantage en sanctionnant le droit, pour chacun d’eux, de contracter certaines alliances. Il entrait dans l’intérêt bien entendu de l’Europe de favoriser en ce point les propensions du génie allemand, qui résiste à l’unité imposée, tout en cédant à des entraînemens collectifs. La position de l’Allemagne au centre de l’Europe, avec le pouvoir de porter tout son poids d’un côté ou de l’autre, attache un intérêt universel à ses institutions particulières, et de même que la raison de sécurité générale a motivé le droit d’assigner à certains états, — par exemple à la Suisse et à la Belgique, — la condition de neutralité perpétuelle, de même, en ce qui touche une puissance aussi prépondérante que l’Allemagne, l’Europe s’est préoccupée des formes de son gouvernement suivant qu’elles paraissaient agressives ou accommodées à l’intérêt commun. Le traité du 30 mai 1814 posait donc une base nouvelle et fondamentale du droit des gens moderne ; il avait pour la France le mérite et l’avantage de se rattacher à sa direction politique de trois siècles, et l’on ne saurait trop regretter que la diplomatie française en ait abandonné à certain jour la tradition précieuse. Tous les grands politiques dont s’honore notre histoire avaient appliqué leur esprit et leur bon sens à la maintenir : la gravité des conséquences en apparaît clairement aujourd’hui que la chimère qui en entraîna ; l’abandon est dévoilée à tous les yeux. Nous ne voulons que définir ici le caractère de la révolution accomplie depuis lors. Comment