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impérieusement exigée, il y avait une question détachée de la question européenne, sur laquelle la préoccupation générale des esprits, jointe à un grand intérêt de sécurité réciproque des puissances, appelait aussi une résolution immédiate : c’était la question du rétablissement de l’empire d’Allemagne. Les représentans des principales puissances de l’Europe réunis à Paris, sous les yeux et l’inspiration de leurs souverains, donnèrent sur-le-champ à l’opinion publique la satisfaction qu’elle réclamait à cet égard. En ce qui touche les limites auxquelles il était inévitable de réduire le territoire de la France nouvelle, les souverains alliés se montrèrent modérés et sensés. Quelques esprits étroits et chagrins voulaient affaiblir, humilier la France vaincue ; le parti de la raison, de la grandeur et de la saine politique l’emporta. La France ne conserva point sans doute l’étendue que les conquêtes de la révolution et de l’empire lui avaient acquise ; cependant elle conserva l’intégrité de son territoire tel qu’il était au 1er janvier 1792, augmenté de plusieurs districts importans qui régularisaient ses frontières et accroissaient sa population de 500,000 âmes. La dignité du nouveau souverain de la France fut par là sauvegardée, et l’on crut donner une garantie de plus à la paix universelle.

Quant au rétablissement de l’empire d’Allemagne, le congrès de Paris montra la même sagesse : l’Europe a dû plus de cinquante ans de repos à la prévoyance éclairée des hommes d’état qui s’y trouvaient rassemblés. Il fut résolu que l’empire germanique ne serait point rétabli. On n’aurait pu en offrir la couronne qu’à la maison d’Autriche, qui l’avait portée avec éclat pendant plusieurs siècles. On craignit, en réunissant cette couronne sur la même tête, où posait déjà celle d’un autre puissant empire, de troubler la balance des forces européennes, et le congrès décida que les états d’Allemagne « seraient indépendans et réunis par un lien fédératif. » Telle est la disposition textuelle de l’article 6 du traité célèbre du 30 mai 1814. La question du rétablissement de l’empire germanique sous un chef unique avait été tranchée négativement dans les négociations[1] ; le texte du traité la décidait dans le même sens : disposition déjà très remarquable en elle-même, plus remarquable encore, si on fait attention que c’est la seule clause d’intérêt européen que l’on rencontre dans ce premier traité solennel, dont l’objet principal était de fixer les limites territoriales de la monarchie restaurée en France. Toutes les autres questions d’intérêt général avaient été renvoyées au futur congrès de Vienne ; mais les signataires de la

  1. Voyez Schoell, Histoire des traités, édit. citée, t. III, p. 357 ; et la collection des Traités de M. De Clereq, t. II.