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se subdivise, que la concurrence survienne pour les fermages, et vous verrez ces mêmes mercanti attacher plus de prix aux terrains qu’ils louent, les mieux soigner, obligés qu’ils seront d’en obtenir un beaucoup plus gros revenu. Le défaut de population mettra sans doute longtemps obstacle aux développemens rapides et complets du progrès agricole ; avant de s’attaquer aux plantes industrielles, qui exigent tant de main-d’œuvre, il faudra transformer l’agro romano. L’annexion, en changeant les lois économiques du pays, le soumet par là même à des influences vivifiantes.

Ce n’est pas que nous croyions à l’abolition immédiate de la grande culture. Longtemps encore l’organisation actuelle des vastes tenute devra fonctionner du plus au moins ; longtemps encore on verra le ministro partir à cheval pour porter in campagna les ordres du mercante son maître. Si jamais il parvient à se fixer sur le domaine, lui le fermier de fait, combien mieux il pourra commander à son chef laboureur, à son chef vacher, à son chef vergaro ! Tant que la ferme sera grande, on verra s’agiter au-dessous de ceux-ci jusqu’à vingt ou vingt-cinq surveillans subalternes. Les simples vachers, voituriers, bergers loués à l’année, composeront encore la seule population de ces tenute illimitées. Demi-sédentaires déjà, ils ne devront pas être congédiés avant la division du sol ; ils sont, eux, les domestiques de ferme.

Essaierait-on de remplacer l’homme par la machiné ? Nous ne conseillerions pas cette tentative dans les conditions du pays et du personnel. Ce serait un leurre, excepté peut-être pour la batteuse à vapeur, qui remplacerait avantageusement le dépiquage sous les pieds des bestiaux. La machine agricole, comme les autres, suppose le machiniste, c’est-à-dire l’homme civilisé ; elle suppose surtout le perfectionnement des procédés, l’amour du mieux. Tout cela manque dans la rude population semi-nomade des travailleurs de l’agro romano ; ils ne savent pas, et ne peuvent apprendre parce qu’ils ne sont pas sédentaires. Ils ne s’en soucieraient point, parce qu’ils ne sont que mercenaires. Les usines sont trop loin pour réparer les avaries inévitables des instrumens, le maître est trop ordinairement absent.

En tout cas, le mercante jusqu’ici a dû reculer devant l’augmentation des dépenses de son entreprise. Non-seulement la très grande culture exige d’immenses capitaux, ce qui réduit la concurrence et empêche la plus-value des fermages ; mais en réalité elle rapporte peu. La série d’intermédiaires dévore le plus clair de ses profits. Souvent on a constaté que, dans des tenute de milliers d’hectares, les frais d’exploitation balançaient à peu près les bénéfices. Le plus net du profit de l’entrepreneur était alors dans ses